Dakar, 1er août 2025 – Face à une crise économique profonde héritée de l’ancien régime, le Premier ministre Ousmane Sonko a dévoilé un ambitieux plan de relance économique et sociale baptisé Jubbanti Koom (« le souffle du peuple »). Ce plan marque une rupture assumée avec la dépendance financière extérieure et mise sur la mobilisation des ressources internes pour restaurer l’équilibre budgétaire et renforcer la souveraineté nationale.
Le cœur du plan repose sur un engagement fort : financer 90 % des projets d’ici 2028 sans recourir à un nouvel endettement extérieur, qu’il s’agisse de prêts multilatéraux ou d’émissions obligataires. Le gouvernement a d’ores et déjà identifié 4 600 milliards de francs CFA (soit environ 8,16 milliards USD) dans le budget national pour accompagner les réformes tout en maîtrisant le niveau de la dette.
Pour mobiliser ces ressources, l’exécutif prévoit une série de mesures fiscales et d’économies ciblées : la fusion ou suppression d’institutions publiques devrait générer environ 50 milliards CFA, tandis que le doublement de la taxe sur le tabac (de 70 % à 100 %) et l’instauration de visas payants pour certains visiteurs étrangers devraient rapporter environ 60 milliards CFA supplémentaires.
Par ailleurs, la renégociation des contrats pétroliers, gaziers et miniers pourrait générer une plus-value attendue de 884 milliards CFA, tandis que le renouvellement des licences télécom devrait rapporter près de 200 milliards CFA.
Le plan intervient dans un contexte de défiance budgétaire. Selon la Cour des comptes, la dette réelle du Sénégal atteignait 99,67 % du PIB fin 2023, bien au-delà des 74,4 % officiellement annoncés par l’ancienne administration. Cette opacité a poussé le FMI à suspendre un prêt de 1,8 milliard USD, exigeant une réforme urgente et une transparence totale avant tout réengagement.
Dans ce cadre, le gouvernement Sonko entend repenser les exonérations fiscales, notamment dans les secteurs de la fintech et des jeux en ligne, et supprimer les subventions énergétiques inefficaces, qui représentent jusqu’à 4 % du PIB tout en profitant principalement aux ménages aisés.
L’objectif fixé est de ramener le déficit budgétaire de 12 % à 3 % du PIB d’ici 2027, sans céder à la tentation d’un endettement extérieur supplémentaire.
Le Sénégal a officiellement fait son entrée dans le cercle des exportateurs de gaz naturel liquéfié (GNL) en avril dernier, grâce au projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) mené avec la Mauritanie. La première cargaison a été expédiée le 17 avril 2025, et les recettes issues de cette exploitation doivent contribuer au financement du plan de relance, tout en préservant l’autonomie financière de l’État.
En parallèle, le gouvernement revoit en profondeur sa politique sociale , les aides directes sont réduites (elles représentaient 4 % du PIB), mais redéployées vers les populations les plus vulnérables grâce à un meilleur ciblage.
Le plan insiste aussi sur l’autonomisation des collectivités locales, tout en maintenant 90 % du financement des projets territoriaux à la charge de l’État central. Néanmoins, la hausse de la fiscalité locale et la réduction du nombre d’emplois publics suscitent des inquiétudes quant à de potentielles tensions sociales.