Vendredi dernier, le Parlement turc a été le théâtre d’une scène chaotique, révélant une fois de plus les tensions extrêmes qui fracturent la vie politique du pays. Ce qui aurait dû être un simple débat s’est rapidement transformé en une bataille rangée entre députés, exacerbée par la question de l’immunité parlementaire de Can Atalay, un député détenu, dont le cas symbolise la lutte acharnée entre le gouvernement et l’opposition.
Au cœur de l’affrontement se trouvait le député Alpay Ozalan du Parti de la Justice et du Développement (AKP), un ancien footballeur reconverti en homme politique, qui n’a pas hésité à recourir à la violence pour répondre aux critiques virulentes d’Ahmet Sik, député du Parti socialiste des travailleurs de Turquie (TIP). Sik, connu pour son franc-parler, avait fustigé la gestion par le gouvernement du dossier Atalay, n’hésitant pas à qualifier les membres de la majorité de « plus grands terroristes » du pays.
Cette déclaration incendiaire a déclenché l’ire d’Ozalan, qui a attaqué Sik, déclenchant une bagarre générale qui a laissé au moins deux députés blessés et nécessité l’intervention du personnel pour nettoyer le sang sur le sol de l’Assemblée.
Le conflit autour de Can Atalay est emblématique des tensions politiques en Turquie. Avocat de renom et figure de la gauche turque, Atalay avait remporté un siège au Parlement lors des dernières élections malgré sa détention, après avoir été condamné à 18 ans de prison dans un procès très critiqué. Son élection a mis en lumière les luttes internes au sein de l’État turc, où l’opposition tente de résister à l’autoritarisme croissant du gouvernement.
L’opposition avait tenté, sans succès, de faire rétablir le mandat parlementaire d’Atalay, après que la Cour constitutionnelle a jugé sa destitution « nulle et non avenue ». Ce refus, combiné à la violence au Parlement, souligne la répression continue des voix dissidentes dans le pays.
La bagarre au Parlement n’est pas simplement un incident isolé mais un symptôme des fractures profondes au sein de la politique turque. L’incapacité à débattre pacifiquement de questions aussi fondamentales que l’immunité parlementaire reflète un climat de polarisation extrême, où le dialogue semble de plus en plus remplacé par la confrontation physique.
Alors que la Turquie se prépare à affronter des défis économiques et sociaux majeurs, cette violence au sein même de l’organe législatif laisse présager un avenir politique sombre et incertain. Pour de nombreux observateurs, la scène de vendredi n’est que le dernier épisode d’une série de dérives autoritaires qui menacent les fondements mêmes de la démocratie turque.