Le président tunisien Kais Saied a pris la décision, jeudi 31 janvier 2025, de proroger l’état d’urgence pour une période d’un an supplémentaire, jusqu’au 31 décembre 2025. Ce décret a été publié dans le « Journal officiel » de Tunisie, officialisant ainsi une nouvelle prolongation de ces mesures exceptionnelles, qui sont en place depuis près de dix ans.
Cette décision intervient dans un contexte de tensions politiques et de sécurité, la situation étant marquée par des défis internes significatifs. L’état d’urgence, qui était déjà prolongé jusqu’à fin janvier 2025, a été maintenu en raison des préoccupations concernant la stabilité du pays face aux menaces terroristes persistantes et à un climat de contestation politique interne.
La prorogation de l’état d’urgence permet au gouvernement tunisien de maintenir un large éventail de pouvoirs exceptionnels, conférant notamment au ministère de l’Intérieur le droit de prendre des mesures strictes telles que :
Ces pouvoirs sont exercés sans contrôle judiciaire direct, ce qui alimente une inquiétude croissante parmi les organisations de défense des droits humains tant au niveau local qu’international. Ces mesures sont justifiées par le gouvernement tunisien comme étant nécessaires pour contrer les risques sécuritaires, mais elles suscitent des débats sur la préservation des libertés fondamentales et le respect des droits humains.
L’état d’urgence avait été instauré pour la première fois en novembre 2015 suite à un attentat terroriste majeur, et il a depuis été renouvelé à plusieurs reprises, jusqu’à cette nouvelle prolongation pour toute l’année 2025. La situation sécuritaire reste instable, avec des menaces terroristes sporadiques, notamment liées à des groupes actifs dans les régions frontales. Cependant, au-delà de la sécurité, l’usage prolongé de ces mesures a aussi des implications profondes sur la scène politique et sociale du pays.
Les partis d’opposition et une partie significative de la société civile expriment de vives inquiétudes quant à l’utilisation de ces pouvoirs exceptionnels, notamment en ce qui concerne leur potentiel à être employés contre les voix dissidentes. Le climat politique en Tunisie est tendu depuis que Kais Saied a adopté une série de mesures controversées à partir du 25 juillet 2021 , après suspendu avoir le Parlement et révoqué le gouvernement, affirmant que ces décisions étaient nécessaires pour lutter contre la corruption et rétablir l’ ordre politique.
En août 2022, un référendum populaire a été organisé pour adopter une nouvelle constitution, suivi par des élections législatives anticipées. Ces décisions ont profondément modifié l’équilibre des pouvoirs, notamment en dissolvant le Conseil de la magistrature et en renforçant l’autorité présidentielle. Pour ses partisans, Saied incarne la volonté de redresser la situation politique du pays après une décennie de crise et de transitions politiques difficiles depuis la révolution de 2011, qui avait mis fin au régime de Zine El Abidine Ben Ali.
Cependant, de nombreux opposants considèrent ces mesures comme une tentative de consolidation du pouvoir absolu , redoutant que Saied ne devienne un président autoritaire, sans véritables contre-pouvoirs, ce qui limiterait les libertés démocratiques dans le pays.