Le 8 mars 2025, à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, une affaire retentissante a secoué le Nigeria. Natasha Akpoti Uduaghan, l’une des rares femmes sénatrices du pays, a été suspendue de ses fonctions pour une durée de six mois. Officiellement, cette sanction, prononcée jeudi, est justifiée par un motif d’« indiscipline » lié à une polémique autour d’un échange de sièges au sein du Sénat nigérian. Cependant, la sénatrice y voit une tentative délibérée de la réduire au silence après qu’elle a publiquement accusé le président du Sénat, Godswill Akpabio, de harcèlement sexuel à son encontre.
La suspension de Natasha Akpoti Uduaghan implique son exclusion temporaire du Parlement, ainsi que la suppression de ses indemnités parlementaires pendant six mois. Selon les autorités du Sénat, cette mesure découle d’un incident lié à un différend sur l’attribution des sièges au sein de l’hémicycle. Mais pour la principale concernée, cette explication ne tient pas. Dans un communiqué officiel, elle a qualifié cette sanction d’« injuste » et d’atteinte aux « principes de justice, d’impartialité et d’équité ». Elle soutient que cette décision est une représaille directe à ses dénonciations répétées du comportement inapproprié de Godswill Akpabio, président du Sénat.
Natasha Akpoti Uduaghan a détaillé ses accusations dans une pétition officielle déposée auprès du Sénat. Selon elle, Akpabio aurait entravé à plusieurs reprises les motions qu’elle tentait de faire adopter, avant de lui proposer un marché : il la soutiendrait à condition qu’elle « prenne soin de lui ». Elle rapporte également un incident survenu fin 2023, lors d’une visite à son domicile en compagnie de son mari, au cours de laquelle le président du Sénat aurait eu un comportement déplacé. Malgré la gravité de ces allégations, sa pétition a été rejetée pour des raisons de procédure, un rejet qu’elle considère comme une tentative supplémentaire de la discréditer.
Cette suspension a provoqué une onde de choc au Nigeria, où les questions de genre et de pouvoir sont rarement abordées de manière aussi publique. Avec seulement quatre femmes parmi les 109 sénateurs, le Sénat nigérian est un reflet de la faible représentation féminine dans la politique nationale. Natasha Akpoti Uduaghan, connue pour son franc-parler et son engagement en faveur des droits des femmes, incarne une voix rare dans cet univers dominé par les hommes. Sa mise à l’écart soulève des interrogations sur les mécanismes d’intimidation et de répression auxquels les femmes politiques peuvent être confrontées lorsqu’elles osent défier l’ordre établi.
Le timing de cette décision – deux jours avant la Journée internationale des droits des femmes – ajoute une dimension symbolique à l’affaire. Alors que le monde entier s’apprête à célébrer les avancées vers l’égalité des genres, cette suspension est perçue par beaucoup comme un rappel brutal des obstacles persistants. Sur les réseaux sociaux et dans les médias nigérians, les réactions oscillent entre indignation et soutien à la sénatrice. Certains y voient une illustration du patriarcat profondément enraciné dans les institutions du pays, tandis que d’autres appellent à une enquête indépendante pour faire la lumière sur les accusations portées contre Godswill Akpabio.
Natasha Akpoti Uduaghan n’est pas une novice en politique. Avant d’entrer au Sénat, elle s’était déjà fait un nom en tant qu’avocate et entrepreneuse, défendant des causes sociales dans l’État de Kogi, dont elle est originaire. Son élection en 2023 avait été saluée comme une victoire pour la représentation féminine, mais son parcours depuis lors montre à quel point cet espace reste difficile à conquérir.
Pour Natasha Akpoti Uduaghan, cette suspension n’est pas la fin de son combat. Dans son communiqué, elle a promis de continuer à se battre pour la justice, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du Sénat. « Je ne me tairai pas », a-t-elle déclaré, laissant entendre qu’elle pourrait envisager des recours légaux ou médiatiques pour faire entendre sa voix.