Francfort, 16 juin 2025 – La justice allemande a prononcé ce lundi une peine de réclusion criminelle à perpétuité contre Alaa Moussa, médecin syrien reconnu coupable de crimes contre l’humanité commis entre 2011 et 2012 dans les hôpitaux militaires de Damas et Homs, alors qu’il opérait sous les ordres du régime de Bachar al-Assad.
Arrivé en Allemagne en 2015 en tant que réfugié, Alaa Moussa avait réussi à exercer comme chirurgien orthopédique avant d’être identifié par d’anciens détenus syriens exilés. Arrêté en 2020, il a comparu devant la cour régionale de Francfort dans le cadre d’un procès exceptionnel de plus de trois ans, emblématique du principe de compétence universelle que revendique l’Allemagne dans la poursuite des crimes internationaux.
Vêtu sobrement, l’accusé est apparu effacé, presque mutique, au moment du verdict. Les charges retenues contre lui sont accablantes : torture, homicide volontaire, mutilations et traitements inhumains sur des prisonniers présumés opposants au régime. Parmi les atrocités documentées, il est accusé d’avoir injecté des substances mortelles à des détenus ou encore brûlé les parties génitales d’un adolescent à l’aide d’un désinfectant à base d’alcool.
Malgré les témoignages accablants de 56 témoins, dont plusieurs anciens collègues et victimes, l’accusé a nié en bloc, son avocat annonçant son intention de faire appel.
Le juge Christoph Koller, président du tribunal, a été catégorique : « Alaa Moussa a tué, torturé, mutilé. Ses actes s’inscrivent dans la logique répressive d’un régime dictatorial. Il a agi avec la volonté de punir et la satisfaction de faire souffrir. » Le magistrat a également salué le courage des témoins ayant bravé la peur, certains s’exprimant à visage couvert, en raison de menaces directes ou indirectes du régime syrien.
Le régime de Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024, a tenté à plusieurs reprises d’interférer dans la procédure allemande, selon le juge, par des pressions sur les familles des victimes ou des menaces à peine voilées.
Ce procès s’inscrit dans une série de procédures judiciaires menées par l’Allemagne contre les auteurs de crimes commis en Syrie. Il y a deux semaines, un chef de milice pro-Assad avait lui aussi été condamné à la perpétuité. En janvier 2022, Anwar Raslan, ancien haut responsable des services de renseignement syriens, avait été reconnu coupable du meurtre de 27 détenus et de la torture de milliers d’autres.
Ces procès constituent des précédents importants dans l’histoire judiciaire contemporaine, dans un contexte où la justice internationale peine à poursuivre les responsables de crimes de masse. Le cas d’Alaa Moussa illustre que même ceux qui ont tenté de se fondre dans la masse des réfugiés peuvent un jour répondre de leurs actes.
Le conflit syrien, qui a débuté par des manifestations pacifiques en 2011, s’est transformé en guerre civile dévastatrice, faisant plus de 500 000 morts, déplaçant des millions de personnes et laissant le pays exsangue.
Pour les victimes présentes au tribunal, le verdict est une victoire symbolique. L’un d’eux a déclaré : « Ce n’est pas seulement la condamnation d’un homme, c’est un message à tous les bourreaux : vous pouvez fuir, mais la justice vous retrouvera. »