Prague, 4 octobre 2025 – Le milliardaire populiste Andrej Babis a remporté les élections législatives en République tchèque avec près de 35 % des voix, plaçant son parti ANO largement en tête du scrutin. Mais cette victoire, loin d’être totale, se transforme rapidement en défi politique , faute de majorité absolue, Babis devra composer avec des alliés potentiels dont certains flirtent avec l’extrême droite.
La participation électorale a atteint 68 %, la plus élevée depuis 1998, signe d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle. Dans un paysage politique fragmenté – 26 partis et plus de 4 400 candidats étaient en lice – ANO a su imposer le récit d’un homme providentiel capable de « protéger les Tchèques » contre Bruxelles, l’immigration et les élites.
Cependant, derrière ce triomphe apparent se cache une réalité préoccupante. Babis ne peut gouverner seul et lorgne déjà vers des formations politiques radicales. Le SPD, parti nationaliste anti-UE et anti-OTAN crédité de 8 %, a montré sa disponibilité pour soutenir un cabinet minoritaire d’ANO. Les Motoristes, eurosceptiques et hostiles aux politiques climatiques européennes, pourraient également devenir des partenaires de coalition.
Babis n’en est pas à son premier coup d’éclat. Premier ministre entre 2017 et 2021, il avait alors dirigé un gouvernement de centre-gauche relativement pragmatique. Mais depuis sa chute, l’homme d’affaires milliardaire s’est réinventé en tribun populiste. Autrefois favorable à l’adoption de l’euro, il se présente désormais comme un eurosceptique virulent, multipliant les attaques contre Bruxelles et les élites occidentales.
Ce virage brutal illustre la nature profonde de Babis , un opportuniste politique qui change de discours selon le vent dominant, prêt à virer à droite, voire à l’extrême droite, pour s’assurer un retour au pouvoir.
Si Babis parvient à former une coalition avec l’extrême droite, la République tchèque pourrait se retrouver dans une position délicate. Sur le plan intérieur, cela signifierait un recul démocratique, avec une polarisation accrue, un affaiblissement du rôle des institutions et une instrumentalisation de l’opinion publique par des discours populistes. Sur le plan extérieur, la Tchéquie risquerait de s’isoler, en suivant le chemin d’une Hongrie déjà marginalisée au sein de l’UE.
La promesse de Babis de mettre fin aux achats d’armes pour l’Ukraine – et de laisser cette question à l’OTAN et à l’UE – illustre déjà son intention de rompre avec la solidarité européenne. En réalité, derrière ce discours pseudo-pragmatique, se cache une volonté claire : séduire les électeurs nationalistes et se poser en rempart contre « l’ingérence étrangère ».
Le président Petr Pavel, qui détient le pouvoir de nommer le prochain Premier ministre, est désormais face à une équation difficile. S’il désigne Babis, il prend le risque de légitimer une alliance populiste qui pourrait plonger la Tchéquie dans une instabilité profonde et un glissement autoritaire. À l’inverse, retarder ou contourner ce choix pourrait nourrir le discours victimaire de Babis, qui n’hésiterait pas à se poser en martyr de l’establishment.