Le président de Madagascar, Andry Rajoelina, a nommé le 6 octobre 2025 le général Ruphin Fortunat Zafisambo au poste de Premier ministre, une décision qui intervient dans un contexte de tensions sociales et politiques aiguës. Cette nomination, qui fait suite au limogeage du gouvernement précédent le 29 septembre, vise à répondre aux violentes manifestations menées par la « Génération Z » dans la capitale, Antananarivo, et d’autres régions du pays. Ces protestations, qui ont débuté le 25 septembre, dénoncent des problèmes chroniques tels que les coupures d’électricité pouvant durer jusqu’à 12 heures par jour et le manque d’accès à l’eau potable, des maux qui gangrènent l’île depuis des années. La répression brutale de ces manifestations a causé au moins 22 morts, exacerbant la méfiance envers le pouvoir en place.
En choisissant Zafisambo, un haut gradé de l’armée formé à l’académie militaire d’Antsirabe et ancien chef de cabinet militaire de l’ex-Premier ministre Christian Ntsay, Rajoelina mise sur une figure d’autorité pour « rétablir l’ordre et la confiance de la population ». Le président a fixé un ultimatum de six mois au nouveau Premier ministre pour redresser la situation, notamment en résolvant les crises de l’électricité et de l’eau. Cependant, ce choix d’un militaire pour un poste traditionnellement civil suscite des critiques acerbes. Les manifestants, emmenés par le mouvement Gen Z, y voient une « diversion politique » et une tentative d’intimidation. « Le Président veut faire passer le message que c’est un pouvoir militaire et que les civils n’ont qu’à se tenir à carreau », a déclaré Princia Rakotontraibe, un manifestant, reflétant le sentiment d’une partie de la population.
Les manifestations de la Génération Z, qui rappellent celles observées récemment en Indonésie, au Népal et au Maroc, traduisent un ras-le-bol face à une élite politique perçue comme déconnectée des réalités. À Madagascar, l’un des pays les plus pauvres de l’océan Indien, les infrastructures défaillantes et la corruption alimentent la colère. Les revendications du mouvement Gen Z vont au-delà des problèmes matériels : elles incluent la dissolution du Sénat, la refonte de la Haute Cour constitutionnelle et des excuses publiques de Rajoelina. Si la demande de démission du président semble avoir été mise en retrait, l’expiration d’un ultimatum lancé par les manifestants, le 9 octobre 2025, pourrait raviver les tensions, avec la menace d’une grève générale nationale.
La nomination d’un militaire à la tête du gouvernement évoque la longue tradition de gouvernements militaires à Madagascar, marquée par des transitions politiques tumultueuses en 1972, 2002 et 2009, lorsque Rajoelina lui-même avait pris le pouvoir dans un contexte de crise. Pour beaucoup, cette décision renforce l’image d’un régime autoritaire, surtout après les récentes répressions menées par la gendarmerie et la police, accusées d’usage excessif de gaz lacrymogènes, notamment près d’une maternité à Antananarivo. « C’est comme d’habitude », déplore Daudet Santatriniaina, un manifestant de 41 ans, qui exprime sa défiance envers Zafisambo en raison de ses liens avec l’ancien gouvernement.
La politologue Ketakandriana Rafitoson souligne que les revendications actuelles donnent « une orientation claire à la suite politique de la crise », mais avertit que l’instabilité pourrait s’aggraver en cas de nouvelle escalade. La nomination de Zafisambo, perçue comme un gage de fermeté, risque d’attiser la colère des manifestants plutôt que de l’apaiser. Alors que le président Rajoelina tente de reprendre la main en convoquant une rencontre avec les « forces vives de la nation », l’issue reste incertaine. Comme le note Madagascar-Tribune.com, ce choix pourrait être interprété comme une provocation, rendant improbable une désescalade à court terme.