À partir du jeudi 20 novembre 2025, Emmanuel Macron entame une tournée express de quatre jours en Afrique australe et dans l’océan Indien, visitant successivement l’île Maurice, l’Afrique du Sud, le Gabon et l’Angola. Le rythme est celui d’un VRP pressé de conclure avant la fin du quinquennat, mais derrière cette succession de visites, le message géopolitique est limpide : la France abandonne peu à peu l’Afrique de l’Ouest et le Sahel francophone, où elle a été progressivement écartée par manifestations, coups d’État et contrats russes. Paris se replie désormais là où son influence reste respectée et bienvenue : l’océan Indien, l’Afrique australe anglophone et lusophone, et les régimes militaires prêts à la maintenir comme partenaire technique et financier.
La première étape, l’île Maurice, marque une visite d’État française inédite depuis François Mitterrand en 1993. L’île, jamais colonisée par la France, est anglophone dans les affaires, affiche une croissance de 4,5 % et un PIB par habitant trois fois supérieur à celui du Maroc. Macron y signera des accords de coopération sécuritaire — notamment pour la surveillance maritime autour de Mayotte et La Réunion —, des conventions fiscales et des contrats pour des entreprises du numérique et du tourisme de luxe. Paris vise à faire de Port-Louis un hub régional anti-Chine, en réponse aux accords portuaires discrètement conclus par Pékin. L’île Maurice apparaît comme le dernier îlot stable de la zone, alors que Madagascar a connu un coup d’État en 2025 contre le président pro-Macron Andry Rajoelina.
Vendredi et samedi, Macron se rend à Johannesburg pour le premier G20 organisé sur le sol africain. L’absence de Donald Trump, de Vladimir Poutine et la discrétion de Xi Jinping offrent à la France l’opportunité de se poser en leader européen sur le continent. Deux gestes forts sont prévus : le lancement du Conseil d’affaires France–Afrique du Sud et une série de contrats dans l’hydrogène vert, les batteries et les infrastructures portuaires. Ce déplacement symbolise le basculement stratégique de Paris vers l’anglophonie, où le français devient un atout commercial secondaire.
Dimanche, à Libreville, Macron rencontre Brice Clotaire Oligui Nguema, le putschiste ayant renversé Ali Bongo en août 2023. L’Élysée qualifie cette visite de « saluer le parachèvement de la transition démocratique », mais la réalité est plus crue : la France légitime un coup d’État militaire pour préserver ses intérêts, sécuriser ses bases et conserver un accès privilégié aux ressources stratégiques (manganèse, fer, uranium, cuivre). Pendant ce temps, ses dernières bases ouest-africaines ferment progressivement, réduisant la présence française à quelques points stratégiques.
La tournée se conclut lundi à Luanda avec un mini-sommet Union africaine–Union européenne. Le projet central : le corridor de Lobito, destiné à relier le port angolais aux mines de cuivre et de cobalt de la RDC et de la Zambie, pour exporter vers l’Europe plutôt que vers la Chine. Macron arrive avec une délégation d’une cinquantaine de chefs d’entreprise pour sécuriser les contrats ferroviaires, énergétiques et d’infrastructures. Ce projet constitue la seule réponse occidentale concrète face à la percée chinoise en Afrique centrale, et démontre que, malgré sa position de retrait, la France cherche encore à peser sur les matières premières stratégiques.
Le rythme de cette tournée évoque celui d’un VRP de luxe pressé de conclure avant la fin du quinquennat. Derrière cet agenda surchargé, le message géopolitique est clair : la France abandonne définitivement l’Afrique de l’Ouest et le Sahel francophone, où elle a été progressivement écartée par des manifestations, des coups d’État et l’essor des contrats russes.
Elle se replie désormais là où sa présence reste acceptée, notamment dans l’océan Indien et en Afrique australe. Huit ans après sa déclaration à Ouagadougou, Macron confirme que la politique africaine de la France est désormais une politique de survie. Cette tournée ne constitue ni une reconquête ni une revanche : elle apparaît plutôt comme un adieu déguisé en nouveau départ.
Pourtant, en assumant honnêtement sa position et en misant sur la coopération là où elle est encore bienvenue, la France pourrait paradoxalement obtenir davantage de succès que dans les opérations militaires et les discours repentants des dernières années.



























