L’Office national des statistiques (ONS) annonce triomphalement que l’inflation en Algérie a ralenti fortement, atteignant 2,2 % à fin septembre 2025. Selon le rapport officiel, les prix à la consommation ont même reculé de 2 % sur un an, offrant une « petite respiration » aux ménages. Les légumes frais, par exemple, affichent des baisses spectaculaires : -19 % pour certains légumes, -18,1 % pour la pomme de terre. L’alimentation industrielle et certains produits manufacturés suivent également cette tendance, tandis que services et fournitures scolaires restent globalement stables.
Le communiqué officiel se veut optimiste : la consommation se maintient, la croissance économique continue à 3,9 %, et la diversification hors hydrocarbures, soutenue par l’investissement public et privé, laisse entrevoir un futur prometteur. Bref, sur le papier, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Mais dans la réalité quotidienne, la situation est tout autre. Pour beaucoup d’Algériens, faire les courses reste un vrai casse-tête. Le prix du poulet a augmenté de 19 %, les fruits de 21,6 %, et les œufs sont devenus presque un produit de luxe, avec des plaques de 30 vendues à 650-700 DA. L’huile, la semoule, le sucre et le lait restent nettement plus chers qu’en 2021, et l’inflation ressentie par les ménages ne correspond pas aux 2,2 % annoncés. Même si certains légumes frais ont baissé, cela ne compense en rien la flambée des autres produits essentiels.
Les salaires, même revalorisés, peinent à suivre le rythme des prix face au coût de la vie à Alger, Oran ou Constantine. Même un fonctionnaire catégorie 10 ou 12, avec 15 ans d’ancienneté, peine à dépasser 60 000 DA nets. La consommation se maintient donc parfois à crédit, par petits prêts auprès du voisin ou de l’épicier, plutôt que par un véritable pouvoir d’achat.
Quant à la fameuse croissance économique de 3,9 %, ses bénéfices restent concentrés. Les 17 000 projets enregistrés par l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) se traduisent rarement par des emplois durables pour le citoyen moyen. Les importateurs continuent de profiter des devises, et les grandes entreprises raflent la majorité des marchés publics, souvent sans concurrence réelle. Pour le citoyen lambda, le quotidien reste marqué par la hausse des loyers, des factures d’électricité, des transports et des produits de première nécessité.
L’ONS nous parle d’indice « corrigé des variations saisonnières » : traduction, les chiffres officiels retirent ce qui fait mal pour donner une image plus douce de l’inflation. Dans la vie réelle, personne ne « corrige » le prix du poulet avant l’Aïd ou pendant le Ramadan, ni les loyers qui flambent, ni les factures d’électricité qui doublent en quelques années.
Tout va donc bien dans les fichiers Excel et les communiqués officiels, les moyennes sont pondérées, les courbes lissées, et la croissance semble profiter à tous. Dans la rue, dans les files d’attente devant les boucheries, dans les discussions des mères de famille, dans les groupes WhatsApp où l’on partage les bons plans pour trouver du lait ou des légumes moins chers, la réalité est tout autre : l’inflation ressentie est bien supérieure aux chiffres officiels, et le pouvoir d’achat continue de se dégrader pour de nombreux ménages.
L’inflation à 2,2 % est peut-être exacte pour les ordinateurs de l’ONS, mais dans les poches des Algériens, le compte n’y est pas. Tant que le prix du poulet dépassera le salaire journalier d’un ouvrier, tant que l’achat de la viande se fera au détriment des factures à payer, tant que les Algériens devront compter chaque dinar pour survivre, parler d’une inflation « maîtrisée » restera une fiction.
Dans le monde des statistiques, tout va bien. Dans la réalité quotidienne, les Algériens continuent de vivre avec une inflation réelle qui ronge leur pouvoir d’achat et transforme la vie de tous les jours en véritable défi.



























