La Turquie envisage d’instaurer une taxe sur les cartes de crédit dans le but de soutenir ses industries de défense, une initiative récemment annoncée par le ministre des Finances, Mehmet Simsek. Cette décision s’inscrit dans un contexte où le gouvernement cherche à renforcer ses capacités de dissuasion face à un environnement géopolitique perçu comme de plus en plus menaçant.
Selon le projet de loi du Parti de la justice et du développement (AKP), cette taxe s’appliquerait à toutes les cartes de crédit dont la ligne de crédit dépasse 100.000 livres turques (environ 2.700 euros), avec un montant fixé à 750 livres (20 euros). Bien que cette initiative vise à financer directement l’industrie de la défense, elle a déjà suscité une réaction négative des consommateurs, entraînant une ruée vers les banques pour réduire les lignes de crédit.
Le ministre Simsek a tenté de rassurer le public en affirmant que les fonds collectés seraient exclusivement consacrés à l’industrie de la défense, et non à la réduction du déficit budgétaire. Cependant, la mesure semble avoir été mal accueillie, ce qui pourrait inciter le Parlement à reconsidérer son adoption.
L’industrie de la défense turque, dont les drones Bayraktar TB2 sont devenus emblématiques, a connu une expansion significative ces deux dernières décennies. En 2023, ce secteur a généré près de 10,2 milliards de dollars en exportations, représentant environ 80 % des revenus d’exportation du pays. Au cours des huit premiers mois de 2024, les exportations ont déjà atteint 3,7 milliards de dollars, affichant une hausse de 9,8 % par rapport à l’année précédente.
Cette croissance s’explique par l’ambition du gouvernement turc de renforcer son autonomie en matière de défense. Simsek a souligné qu’au début des années 2000, la Turquie dépendait à 80 % des importations pour ses besoins en défense, alors qu’elle est désormais en mesure de produire plus de 80 % de ses propres matériels grâce à un tissu industriel dynamique constitué de 3.500 entreprises.
Le contexte régional, marqué par une intensification des conflits, justifie cette volonté de réarmement. Le ministre des Finances a mentionné la nécessité de renforcer les capacités de dissuasion de la Turquie face aux tensions croissantes, notamment dans le cadre de la guerre en cours entre Israël et le Hamas. Le président Erdogan a également soutenu cette initiative, affirmant que le pays doit se préparer à d’éventuelles menaces extérieures.
Cependant, cette politique de réarmement est critiquée par l’opposition, qui la considère comme une tentative de masquer la crise économique que traverse la Turquie. Deniz Yucel, porte-parole du principal parti d’opposition, le CHP, a accusé le gouvernement de manipuler les sentiments nationalistes pour justifier des mesures qui détournent l’attention des difficultés économiques que subissent les citoyens turcs.
La proposition d’instaurer une taxe sur les cartes de crédit pour financer l’industrie de la défense illustre les priorités stratégiques du gouvernement turc face à un environnement international incertain. Si cette mesure pourrait permettre de renforcer les capacités de défense du pays, elle soulève des inquiétudes quant à son acceptabilité sociale et à ses répercussions sur l’économie domestique déjà fragile. La réaction du public et des institutions financières pourrait influencer le parcours de cette initiative et façonner l’avenir de la politique de défense turque.