Paris, 17 mai 2025 – L’affaire du rapt de l’opposant algérien Amir Boukhors, alias Amir DZ, connaît un tournant décisif. Quatre nouveaux suspects, décrits comme des exécutants sans scrupule, ont été mis en examen et placés en détention provisoire vendredi. Cette avancée judiciaire relance une enquête explosive, au cœur d’un véritable scandale d’État aux implications diplomatiques majeures entre la France et l’Algérie.
Le 29 avril 2024, Amir Boukhors est enlevé en pleine journée en région parisienne, dans des conditions dignes d’un film d’espionnage : violence, sédatifs, véhicule banalisé. Libéré deux jours plus tard, l’influenceur algérien avait déjà dénoncé une tentative d’intimidation commanditée depuis Alger, visant à le faire taire. À l’époque, Paris avait réagi avec une prudence diplomatique. Mais depuis, la colère de l’État français ne cesse de monter.
Les quatre individus interpellés cette semaine, âgés de 32 à 57 ans, auraient directement participé à l’enlèvement et à la séquestration. Présentés comme de simples « hommes de main » par les enquêteurs, ils auraient agi contre rémunération, ignorant – prétendument – l’identité de leur cible. Une version peu crédible pour de nombreux observateurs.
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) les a mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste, arrestation, enlèvement, séquestration arbitraire, des charges d’une extrême gravité dans le cadre d’une affaire désormais qualifiée d’acte de terrorisme d’État maquillé en opération clandestine.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Selon un rapport accablant de la DGSI, un ancien diplomate algérien, en poste à Paris au moment des faits, serait le cerveau de l’opération. Identifié sous les initiales S. S., cet homme serait un officier des services secrets algériens (DGDSE), infiltré sous couverture diplomatique en tant que « premier secrétaire » à l’ambassade d’Algérie. Il n’a pas été arrêté, et aurait quitté le territoire français.
Cette fuite alimente les soupçons d’une implication directe des services algériens dans cette opération. Pour l’avocat de la victime, Me Éric Plouvier, la thèse d’une opération commanditée depuis Alger ne fait aucun doute :
« Les agents diplomatiques impliqués ne peuvent se prévaloir d’aucune immunité quand ils organisent des actes de violence, des séquestrations ou administrent des substances à des opposants politiques. »
Cette tentative d’enlèvement sur le sol français s’inscrit dans un contexte de tensions diplomatiques grandissantes entre Paris et Alger. La France, qui avait accordé l’asile politique à Amir Boukhors en 2023 après avoir refusé son extradition vers l’Algérie – où il est visé par neuf mandats d’arrêt pour des motifs politiques déguisés en infractions de droit commun – voit désormais ses institutions ouvertement défiées.
L’incarcération d’un agent consulaire algérien en avril avait déjà provoqué une vive protestation d’Alger, suivie de mesures de rétorsion : expulsions de diplomates français, dénoncées cette semaine par Paris comme « injustifiées et injustifiables ». La réaction française n’a pas tardé : des diplomates algériens vont être renvoyés à leur tour, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Installé en France depuis 2016, Amir Boukhors, 41 ans, est devenu un symbole de la dissidence numérique algérienne. Avec plus d’un million d’abonnés sur TikTok, ses vidéos dénonçant la corruption du régime de Tebboune ont fait de lui un ennemi public numéro un pour le pouvoir d’Alger. Selon les services français, son profil est désormais considéré comme l’un des principaux « irritants » dans les relations franco-algériennes.
Le rapt manqué d’Amir Boukhors révèle une dérive inédite : celle d’un régime prêt à franchir les frontières pour réduire au silence ses opposants, au mépris du droit international et de la souveraineté des États.
La France, elle, semble bien décidée à ne plus tolérer l’impunité diplomatique, et à faire de cette affaire un cas d’école pour défendre sa souveraineté. Le message est clair : Paris ne sera pas le terrain de jeu des polices politiques étrangères. Alger, en cherchant à intimider l’un de ses détracteurs les plus visibles, a peut-être déclenché une tempête diplomatique qu’il ne pourra plus contrôler.