Abidjan a vibré, samedi 9 août 2025, au rythme d’une mobilisation massive et pacifique. Des milliers d’opposants ont envahi les rues de Yopougon pour dénoncer la candidature à un quatrième mandat du président sortant Alassane Ouattara et exiger une élection présidentielle inclusive le 25 octobre prochain.
Organisée par le Front commun – alliance inédite entre le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) – la manifestation a rassemblé militants et sympathisants autour d’un même mot d’ordre : le retour sur la liste électorale de leurs leaders exclus de la course. Tidjane Thiam, écarté pour des raisons de nationalité, et Laurent Gbagbo, frappé par une condamnation pénale, incarnent cette opposition empêchée.
Sous un ciel lourd mais sans tensions, les slogans ont fusé : « Non au quatrième mandat ! », « Gbagbo et Thiam candidats ! ». Drapeaux ivoiriens et bannières partisanes ont flotté au-dessus d’une foule déterminée, encadrée par un dispositif sécuritaire discret. « C’est une mobilisation historique qui prouve que le peuple est debout face à l’intransigeance », a lancé Noël Akossi Bendjo, vice-président du PDCI. Sébastien Dano Djedje, président exécutif du PPA-CI, a prévenu : « C’est un avertissement au pouvoir. Nous refusons un quatrième mandat anticonstitutionnel ».
Cette démonstration de force survient dans un contexte de crispation politique. Depuis fin juillet, Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, assure que la Constitution lui permet de briguer un nouveau mandat, malgré la limite de deux prévue par la loi fondamentale. Le Conseil constitutionnel avait déjà, en 2020, considéré que l’adoption d’une nouvelle Constitution quatre ans plus tôt avait remis les compteurs à zéro — une interprétation toujours contestée par l’opposition.
À moins de trois mois du scrutin, la tension monte : interpellations récentes de cadres du PDCI et du PPA-CI, accusations d’« enlèvements » et de « harcèlement » contre les opposants, tandis que les autorités réfutent toute arrestation arbitraire. D’autres figures majeures restent écartées : Guillaume Soro, ancien Premier ministre en exil, et Charles Blé Goudé, ex-bras droit de Gbagbo, tous deux condamnés par la justice.
Malgré la gravité des enjeux, la marche d’Abidjan s’est achevée dans le calme, saluée par Tidjane Thiam depuis l’étranger comme « une leçon de civisme et de patriotisme ». Reste à savoir si ce sursaut citoyen pourra infléchir un processus électoral que beaucoup jugent déjà verrouillé.