Turin, 15 décembre 2025 – L’imam égyptien Mohamed Shahin a été libéré ce lundi par la Cour d’appel de Turin, annulant ainsi le décret d’expulsion qui le visait. Détenu depuis le 24 novembre 2025 dans un centre de rétention pour migrants (CPR) à Caltanissetta, en Sicile, Shahin avait été placé sous procédure d’expulsion pour « motifs de sécurité de l’État » à la suite de ses propos lors d’une manifestation pro-palestinienne le 9 octobre 2025.
Shahin, imam de la mosquée Omar Ibn al-Khattab à Turin, avait qualifié l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 d’« acte de résistance », des propos qui avaient été jugés par le ministère de l’Intérieur comme susceptibles de représenter un risque pour la sécurité nationale. Toutefois, la procureure de Turin avait considéré ces déclarations comme relevant de la liberté d’expression et non comme une incitation à la haine.
La Cour d’appel de Turin, saisie par la défense, a estimé qu’« aucun danger concret et actuel » ne pesait sur la sécurité publique. Les juges ont pris en compte le fait que Shahin vit en Italie depuis plus de 20 ans, est marié à une Italienne, père de deux enfants nés sur le sol italien, et ne possède aucun antécédent judiciaire.
Mohamed Shahin est également connu pour son opposition au régime d’Abdel Fattah al-Sissi. Ses critiques publiques à l’encontre du président égyptien, issu du coup d’État de 2013 contre Mohamed Morsi, ainsi que sa proximité présumée avec des idées liées aux Frères musulmans, font craindre à ses soutiens des persécutions sévères, voire des risques de torture, s’il devait retourner en Égypte. Il a ainsi déposé une demande d’asile politique, actuellement en cours d’examen.
La libération de Shahin a provoqué de vives réactions au sein de la classe politique italienne. La droite au pouvoir, menée par Fratelli d’Italia et la Lega, a dénoncé un revers pour le gouvernement, qualifiant la décision de « politiquement motivée » et « préjudiciable à la sécurité nationale ». La Première ministre Giorgia Meloni a souligné que la protection de l’État devenait impossible si « certains juges annulaient systématiquement » les décisions gouvernementales. Le ministère de l’Intérieur envisage désormais un recours en Cassation.
À l’inverse, l’opposition de gauche (Parti démocrate, M5S, AVS), plusieurs syndicats et associations de défense des droits humains ont salué la décision comme une victoire pour les droits fondamentaux. Ces derniers dénoncent l’instrumentalisation politique de la sécurité et l’islamophobie au sein du gouvernement. Des manifestations de soutien à Shahin ont rassemblé plusieurs milliers de personnes à Turin et dans d’autres villes italiennes, avec la participation de communautés religieuses et de militants pro-palestiniens.
Si Mohamed Shahin est libre, le décret d’expulsion reste en vigueur et pourrait être réexaminé par une juridiction administrative. Cette affaire illustre les tensions persistantes en Italie autour de la liberté d’expression, de la sécurité nationale, des positions sur le conflit israélo-palestinien et de la protection des opposants politiques étrangers. Elle met également en lumière les débats sur l’intégration des immigrés, la politique migratoire et l’équilibre entre sécurité et droits fondamentaux dans le pays.


























