Alaa Abd El-Fattah, 43 ans, l’un des prisonniers politiques les plus emblématiques d’Égypte, a retrouvé la liberté mardi 23 septembre 2025, après avoir été gracié par le président Abdel Fattah el-Sissi. Le militant anglo-égyptien a été libéré tôt de la prison de Wadi Natron, au nord du Caire, dans le cadre d’une grâce présidentielle qui a bénéficié également à cinq autres détenus.
Militant de premier plan lors des manifestations sur la place Tahrir en 2011, Abd El-Fattah avait contribué à la chute de l’ancien président Hosni Moubarak. Sa contestation ouverte du régime de Sissi et son engagement constant pour la démocratie et les droits humains lui ont valu plusieurs condamnations : 15 ans de prison en 2014 – peine réduite à cinq ans – puis une nouvelle peine de cinq ans en 2021 pour « diffusion de fausses nouvelles » après avoir dénoncé les violations des droits humains dans les prisons égyptiennes.
Abd El-Fattah est devenu le prisonnier politique le plus célèbre d’Égypte, passant une grande partie de sa vie adulte en détention et devenant un rare symbole d’opposition à la vaste répression menée par Sissi. Sa longue incarcération et ses grèves de la faim répétées ont suscité de nombreux appels internationaux pour sa libération.
« Je ne peux même pas décrire ce que je ressens », a déclaré sa mère, Laila Soueif, depuis leur maison de Gizeh, alors qu’elle se tenait aux côtés de son fils, entourée de la famille et des amis proches. « Nous sommes heureux, bien sûr. Mais notre plus grande joie viendra lorsqu’il n’y aura plus de prisonniers politiques en Égypte », a-t-elle ajouté.
La veille, Laila Soueif et la sœur d’Alaa, Sanaa, avaient attendu devant la prison de Wadi al-Natroun, à environ 100 km au nord-ouest du Caire, dans l’espoir de voir leur proche libéré. Malgré les campagnes locales et internationales en sa faveur, notamment lors de la COP27 en Égypte en 2022, l’espoir de sa libération n’a été ravivé que lorsque Sissi a ordonné en septembre aux autorités d’étudier la possibilité d’une grâce. Quelques mois auparavant, le nom d’Abd El-Fattah avait été retiré de la liste égyptienne des personnes « terroristes ».
Durant sa détention, Abd El-Fattah a mené plusieurs grèves de la faim pour protester contre l’injustice et les conditions carcérales, devenant un symbole international de la lutte pour la liberté d’expression. Sa famille a dénoncé les conditions extrêmement difficiles de son emprisonnement, marquées par l’absence de soleil, de livres et d’exercice, ainsi que par des maltraitances de la part des gardiens.
Sa libération a été accueillie avec émotion par ses proches. Sa mère, née au Royaume-Uni, a joué un rôle crucial dans la campagne pour sa liberté, perdant 35 kg et tombant gravement malade lors de sa dernière grève de la faim. Ses sœurs, Mona et Sanaa Seif, ont partagé sur les réseaux sociaux des images montrant Abd El-Fattah retrouvant sa mère et d’autres proches. Mona Seif a écrit : « Le monde est plein d’injustice et de violence… mais nous pouvons respirer et laisser le bonheur remplir nos cœurs. »
Détenu depuis plus de dix ans et détenteur de la nationalité britannique, Abd El-Fattah n’avait jamais bénéficié de visites consulaires. Son avocat, Khaled Ali, avait tenté dès 2024 d’obtenir sa libération, arguant que ses deux années de détention provisoire devaient être comptabilisées, mais les autorités avaient refusé.
Pour Abd El-Fattah, cette libération après grâce présidentielle représente une victoire personnelle et symbolique : la voix de la dissidence, longtemps muselée, peut enfin se faire entendre.