Tunis, 28 novembre 2025 – Un tribunal tunisien a condamné vendredi près de 40 personnalités politiques, dont plusieurs figures de l’opposition et critiques du président Kais Saïed, à des peines allant de cinq à 45 ans de prison pour « complot contre l’État », selon les médias locaux. Le procès, suivi de près par les organisations de défense des droits humains, a été dénoncé comme politiquement motivé et révélateur des tensions croissantes autour de la liberté d’expression en Tunisie.
Selon Mosaique FM, la Cour d’appel de Tunis a rendu son jugement définitif vendredi matin dans l’affaire dite du complot contre l’État. Les condamnés avaient déjà été sanctionnés en avril dernier par des peines allant jusqu’à 66 ans pour « complot contre la sécurité de l’État » et « appartenance à un groupe terroriste ».
Cette décision intervient alors que la Tunisie se retrouve au centre de plusieurs tensions diplomatiques. La veille, le Parlement européen avait adopté à une écrasante majorité une résolution demandant la libération de Sonia Dahmani, avocate et critique populaire de Saïed, récemment libérée après 18 mois de détention mais toujours sous contrôle judiciaire. Le président tunisien a qualifié cette résolution d’« ingérence flagrante » et a déclaré dans une vidéo que « quiconque manque de respect à notre pays ou ignore les règles de conduite internationale doit comprendre que nous ne l’accepterons pas et que nous tiendrons pleinement responsables les auteurs de tels actes ».
Deux jours auparavant, Saïed avait également convoqué l’ambassadeur de l’Union européenne à Tunis pour lui reprocher un « manquement aux règles diplomatiques », signe de la tension persistante entre Tunis et ses partenaires européens. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, a été chargé de « protester fermement » auprès des représentants étrangers impliqués dans ce qu’il considère comme une ingérence.
Dans le même temps, le ministère tunisien des Affaires étrangères, des Migrations et des Tunisiens de l’étranger a convoqué jeudi l’ambassadrice des Pays-Bas, Josephine Frantzen, pour lui signifier une protestation officielle. Selon un communiqué publié vendredi, Mohamed Ali Nafti a dénoncé un « manquement aux règles du travail diplomatique » et a rappelé à l’ambassadrice que les représentants étrangers doivent « respecter strictement les normes diplomatiques et s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie ».
Sonia Dahmani, âgée de 60 ans, avait été arrêtée en mai 2024 par des hommes masqués et inculpée dans plusieurs affaires liées à ses interventions à la radio et à la télévision, où elle dénonçait notamment le racisme en Tunisie. Elle a été condamnée dans au moins trois affaires, certaines en vertu d’une loi promulguée par Saïed en 2022 visant à interdire la « diffusion de fausses informations ». La résolution du Parlement européen demandait l’abrogation de cette loi et la libération de tous ceux détenus pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, y compris les prisonniers politiques et les défenseurs des droits humains.
Élu en 2019 après le Printemps arabe, Kais Saïed a orchestré en 2021 une prise de pouvoir massive qui a concentré les pouvoirs entre ses mains. Depuis lors, les organisations internationales alertent sur un recul significatif des libertés individuelles et politiques. Dans ce contexte de tensions internes et externes, la Tunisie affiche sa détermination à protéger sa souveraineté et à rappeler aux partenaires internationaux l’importance de respecter les protocoles diplomatiques et la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
Les réactions tunisiennes ont été largement relayées par les médias locaux et régionaux, envoyant un message clair : le pays se tient prêt à défendre vigoureusement ses intérêts face à toute forme d’ingérence étrangère. L’ambassadrice Frantzen, pour sa part, a pris note de la position tunisienne, et des discussions de suivi pourraient avoir lieu dans les prochains jours pour clarifier la situation et éviter toute escalade supplémentaire.
