Le stade Mohamed Bensaïd, cœur battant du football à Mostaganem, est en train de sombrer dans l’oubli et la désolation. Inauguré en 1990 avec une capacité de 18 000 places, ce complexe emblématique, partie intégrante du Centre Sportif Commandant Ferradj, devrait être le théâtre des exploits de l’Espérance Sportive de Mostaganem (ESM). Au lieu de cela, sa pelouse dévastée – parsemée d’irrégularités, d’herbe clairsemée et de zones pelées – sabote les performances du club, met en danger les joueurs et indigne les supporters. Comment un tel joyau sportif a-t-il pu tomber si bas ? Et surtout, qui porte la responsabilité de ce désastre ?
Imaginez un match où la balle refuse de rouler, où chaque passe devient un acte de bravoure et chaque tacle un risque calculé. C’est la réalité amère que vivent les joueurs de l’ESM sur cette pelouse en ruine. « C’est comme jouer sur un champ de mines, la pelouse nous handicape plus que l’adversaire », lâche un milieu de terrain, anonyme pour ne pas froisser les autorités. Lors des récents matchs à domicile, le spectacle a été pathétique : jeu haché, frustrations palpables et entraîneurs adverses qui ricanent en pointant du doigt ce terrain indigne. L’ESM, qui rêve de grimper les échelons du football algérien, paie le prix fort de cette négligence, avec des points perdus et une image ternie. Et les supporters ? Eux qui remplissent les tribunes avec une passion intacte, se retrouvent face à un stade qui ne mérite plus son nom.
L’état critique de la pelouse n’est pas qu’un inconvénient technique ; c’est une menace pour la santé des athlètes. Les bosses et les trous augmentent les risques de chutes, d’entorses et de blessures graves, comme celles qui ont déjà touché plusieurs joueurs de l’ESM cette saison. En 2022, le stade avait été fermé près de deux mois pour une réfection de la pelouse, jugée « réussie » à l’époque par les responsables. Pourtant, trois ans plus tard, en septembre 2025, le problème persiste, forçant des matchs à huis clos ou des délocalisations coûteuses. Ce n’est pas seulement l’ESM qui souffre – le Widad Amel de Mostaganem (WAM), l’autre club résident, subit le même sort. Mostaganem, ville fière de son héritage footballistique, mérite-t-elle un stade qui évoque plus la ruine que la gloire ?
Derrière ce chaos, les responsables sont clairs et identifiables. Le stade Mohamed Bensaïd relève directement de l’Office du Parc Omnisports de la Wilaya (OPOW) Raïed Ferradj, l’entité publique chargée de l’entretien quotidien, de la maintenance et des rénovations. Financé par des budgets publics, l’OPOW gère la pelouse en gazon naturel, mais ses efforts sporadiques – comme l’installation récente de portiques électroniques et de 70 caméras de surveillance pour 1,45 milliard de dinars – masquent un échec flagrant sur l’essentiel : un terrain jouable. Sous la tutelle de la Direction de la Jeunesse et des Sports (DJS) de Mostaganem, dirigée par Ramadan Ben Loulou, qui supervise les audits et les homologations, l’OPOW a été pointé du doigt pour son manque de suivi. En octobre 2024, le stade avait été homologué par la Ligue de Football Professionnel (LFP) après des travaux, mais la dégradation est revenue au galop, malgré des promesses de modernisation
Les clubs comme l’ESM ne sont que locataires : ils n’ont aucun pouvoir sur l’entretien et doivent mendier des interventions auprès des autorités locales. « Nous réclamons une rénovation urgente depuis des mois, mais les réponses se font attendre », confie un dirigeant de l’ESM. La wilaya de Mostaganem, qui approuve les budgets, porte aussi sa part de responsabilité dans ces retards chroniques. Ce n’est pas un accident ; c’est un système défaillant, où la maintenance préventive est sacrifiée au profit de projets visibles mais secondaires.