Le président du Conseil suprême libyen du gouvernement de l’Accord national de Tripoli (GNA), Khaled al-Michri, a rejeté les déclarations du président égyptien Abdel-Fattah al-Sisi concernant sa menace d’intervention militaire directe en Libye, et a déclaré que le Caire avait perpétré une ingérence dans les affaires intérieures libyennes pendant plus de 4 ans, mettant en danger la sécurité et la démocratie du pays, bien qu’il ait toujours nié sa participation au conflit.
La veille, lors d’une visite à la base aérienne égyptienne de Matrouh, située le long des 1200 km de la frontière occidentale avec la Libye, Al-Sissi a ordonné à l’armée de l’air de son armée d’être prête à mener tout type de mission à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, pour protéger sa sécurité nationale. Lors d’un discours qui a suivi la visite, le président égyptien, allié de l’armée nationale libyenne (ANL) du gouvernement de Tobrouk, a averti son ennemi, le GNA, de ne pas franchir la « ligne rouge » représentée par la ville de Syrte et de la base aérienne d’Al Djoufrah, actuellement sous le contrôle des forces de l’ANL, dirigée par le général Khalifa Haftar. Al-Sisi a ajouté que toute intervention directe de l’armée égyptienne en Libye serait considérée comme légitime au niveau international, tant sur la base du principe de légitime défense.
À la suite des déclarations d’Al-Sissi, le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis a exprimé son soutien aux mesures que l’Égypte pourrait prendre pour préserver sa stabilité. Parallèlement, le ministère des Affaires étrangères de l’Arabie saoudite a également déclaré que Riad soutenait l’Égypte dans la protection de ses frontières et de son peuple. Dans le scénario du conflit libyen, les parties belligérantes, à savoir le GNA et le LNA, sont soutenues par un entrelacement complexe d’alliances. D’une part, l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Russie, la Jordanie et la France soutiennent les forces du gouvernement de Tobrouk, d’autre part la Turquie, l’Italie et le Qatar ont officiellement reconnu le GNA de Tripoli, comme ils l’ont fait l’ONU elle-même.
Ces dernières semaines, le GNA a connu des succès importants et mis les forces ennemies en difficulté, modifiant l’équilibre du conflit. En ce moment, l’armée de Tripoli se bat pour conquérir Syrte dont elle espère ensuite poursuivre la libération des territoires de l’est et du sud du pays, riches en ressources énergétiques et, actuellement, sous le contrôle de l’ANL.
Le 6 juin dernier, à la suite d’une réunion avec des représentants du gouvernement de Tobrouk, Al-Sissi avait proposé l’Initiative du Caire pour commencer un cessez-le-feu et, toujours à cette occasion, Haftar s’est dit prêt à négocier la fin du conflit libyen avec le GNA, dirigé par le président et le Premier ministre Fayez Al-Sarraj. Cependant, ces propositions ont été rejetées à la fois par Tripoli et Ankara qui pensent qu’il s’agissait d’une tentative de limiter les pertes récentes et importantes de l’ANL, à l’appui desquelles l’Égypte, ainsi que les Émirats arabes unis, avaient investi d’énormes ressources. Le 20 juin, le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin a ensuite déclaré que l’exigence de parvenir à un cessez-le-feu durable en Libye sera le retrait de Syrte et al-Jufra de l’ANL, c’est-à-dire de la « ligne rouge » indiquée par Al-Sisi pour son intervention militaire en Libye.
Depuis janvier 2020, la Turquie a déployé des moyens militaires importants et décisifs en Libye pour soutenir initialement la résistance de Tripoli contre le siège des forces de Haftar qui a commencé le 4 avril 2019 et définitivement rejeté le 4 juin de l’année suivante. Selon ce qui a été convenu avec le GNA, en échange de son aide, Tripoli se verra accorder des droits étendus en Méditerranée orientale et des avantages économiques en Libye. L’Egypte voit une menace dans la consolidation de la présence turque dans le pays voisin, car, avec la Tunisie, ils en dépendent pour les secteurs de l’emploi et du commerce frontalier et leurs gouvernements ont déclaré que la Turquie pourrait imposer un monopole des affaires et des opportunités d’emploi en Libye, ce qui leur cause des difficultés.