Après près de trois quarts de siècle, le gouvernement saoudien a officiellement aboli le système de kafala, un régime de parrainage imposé aux travailleurs migrants et largement dénoncé comme une forme moderne d’esclavage. Cette réforme historique marque un tournant pour plus de 13 millions de travailleurs étrangers, dont 2,7 millions d’Indiens, qui vivaient depuis des décennies sous le contrôle absolu de leurs employeurs.
Derrière la façade du développement et de la prospérité pétrolière, le système de la kafala cachait une réalité cruelle, celle d’hommes et de femmes privés de leurs droits les plus élémentaires. Une infirmière originaire du Karnataka, partie en 2017 pour exercer en Arabie saoudite, en a fait la tragique expérience.
Promesse d’un salaire de 25 000 riyals saoudiens à l’appui, elle pensait offrir une vie meilleure à sa famille. Mais dès son arrivée, son « kafeel » — son employeur et tuteur légal — a confisqué son passeport et l’a réduite à l’état de servitude. Affamée, assoiffée, contrainte à de longues heures de travail sans repos et battue lorsqu’elle réclamait son dû, elle n’était plus qu’une ombre d’elle-même. Comme elle, des milliers de travailleurs domestiques, d’ouvriers ou de soignants ont subi la même humiliation silencieuse, piégés dans un système qui les privait de tout recours.
Après des années de lutte acharnée, elle a finalement été libérée, symbolisant le combat de millions de travailleurs pour leur dignité et leur liberté.
La réforme du système de kafala ne relève pas du hasard et s’inscrit dans un contexte à la fois international et national. En effet, en 2022, sous la pression liée à sa désignation comme pays hôte de la Coupe du monde, le Qatar a aboli des règles similaires, fortement critiquées pour leur exploitation des travailleurs. Consciente de son image à l’étranger et de ses ambitions de développement, l’Arabie saoudite a suivi cette dynamique, cherchant à répondre aux attentes internationales et à éviter les critiques sur la scène mondiale.
Parallèlement, cette réforme s’inscrit dans le cadre de la Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui vise à réduire la dépendance du pays au pétrole et à transformer l’Arabie saoudite en un pays moderne et progressiste. En alignant ses normes de travail sur les standards internationaux, le royaume espère attirer davantage d’investisseurs et de professionnels qualifiés tout en stimulant l’économie nationale.
Cette abolition constitue également une avancée concrète pour les travailleurs migrants, qui peuvent désormais changer d’emploi et négocier leurs conditions sans être soumis à la contrainte d’un employeur unique, marquant un progrès majeur vers la dignité et la liberté.
Ainsi, la fin de la kafala représente une victoire historique pour les droits humains, mettant un terme à des décennies d’exploitation et d’injustice, et ouvrant la voie à un avenir où la main-d’œuvre étrangère pourra enfin travailler dans le respect de ses droits fondamentaux.



























