L’Office central de répression de la corruption (OCRC) en Algérie a marqué l’année 2025 par des saisies de biens d’une valeur stupéfiante, dépassant les 2 000 milliards de centimes, soit environ 24 milliards de dinars (près de 130 millions d’euros). Ce montant, révélé dans le cadre du projet de loi de finances 2026, illustre l’ampleur colossale des détournements de fonds dans le pays. Cependant, malgré ces chiffres impressionnants et une activité d’enquête soutenue, la lutte contre la corruption reste entravée par un système institutionnel opaque, des enquêtes sélectives et un manque criant de résultats concrets, alimentant le scepticisme de la population quant à la volonté réelle de réformer un système gangrené par la corruption endémique.
Le rapport annuel de l’OCRC dresse un bilan chiffré qui, à première vue, témoigne d’une lutte acharnée contre la corruption. Entre 2024 et 2025, l’Office a conduit 1 297 missions d’enquête, dont 629 pour la seule année 2025, impliquant 552 personnes auditionnées et 35 commissions rogatoires. Les enquêtes financières menées contre 288 individus ont permis de saisir des biens d’une valeur totale de 24 milliards de dinars, dont 13 milliards en 2025. Ces chiffres, bien que spectaculaires, révèlent une réalité paradoxale : l’ampleur des détournements mis au jour traduit la gravité du phénomène, mais l’absence de condamnations significatives et de restitution effective des fonds publics limite la portée de ces efforts.
La multiplication des enquêtes, souvent médiatisées pour démontrer l’engagement des autorités, semble davantage relever d’un activisme bureaucratique que d’une stratégie cohérente de lutte contre la corruption. De nombreux dossiers, après avoir fait les gros titres, s’enlisent dans des procédures judiciaires opaques ou s’éteignent sans suites concrètes. Cette situation alimente un sentiment d’impunité, où les annonces de saisies records contrastent avec l’absence de progrès tangibles dans l’assainissement des institutions.
La corruption en Algérie n’est pas un phénomène isolé, mais un mal systémique qui imprègne tous les niveaux de l’administration et du secteur public. Les scandales financiers, qu’ils concernent la gestion des entreprises publiques, les irrégularités dans les appels d’offres ou les détournements de fonds locaux, se succèdent à un rythme alarmant. Ces affaires mettent en lumière une gouvernance minée par l’opacité, où les mécanismes de contrôle, bien que nombreux, peinent à produire des résultats durables.
L’OCRC, la Cour des comptes et l’Inspection générale des finances, censés jouer un rôle clé dans la lutte anticorruption, se heurtent à des obstacles structurels. Les logiques politiques, qui dictent souvent le ciblage des enquêtes, limitent l’indépendance de ces institutions. Les poursuites judiciaires, lorsqu’elles ont lieu, semblent viser principalement des responsables déchus ou des acteurs secondaires, tandis que les réseaux de pouvoir centraux, souvent à l’origine des schémas de corruption, demeurent intouchés. Cette sélectivité renforce l’idée que la lutte anticorruption est utilisée comme un outil de règlement de comptes politiques plutôt que comme un mécanisme d’assainissement institutionnel.
L’un des principaux freins à une lutte efficace contre la corruption réside dans le manque de transparence du système judiciaire. Les jugements, lorsqu’ils sont prononcés, sont rarement rendus publics, et les informations sur les fonds restitués ou rapatriés demeurent floues. Cette opacité alimente la méfiance de la population, qui perçoit la lutte anticorruption comme une opération de façade, destinée à apaiser l’opinion publique sans s’attaquer aux racines du problème. Pour beaucoup d’Algériens, les annonces de saisies records ne sont qu’un écran de fumée, masquant l’absence de réformes structurelles et l’impunité persistante des élites.
Les autorités, conscientes de ce déficit de confiance, insistent sur l’efficacité de l’OCRC et annoncent une intensification des efforts, avec une hausse de 26 % des activités d’enquête prévues pour 2026. Cependant, sans une réforme profonde du système judiciaire, garantissant son indépendance et sa transparence, ces mesures risquent de rester cosmétiques. L’absence de mécanismes clairs pour la restitution des fonds détournés et leur réinjection dans l’économie nationale contribue également à ce sentiment d’inefficacité.
En l’état, les saisies records de l’OCRC, bien que spectaculaires, ne suffisent pas à masquer les failles d’un système où la corruption reste profondément enracinée. Sans une volonté politique forte et des réformes structurelles ambitieuses, l’Algérie risque de continuer à produire des bilans impressionnants sur le papier, mais sans impact réel sur la gouvernance et la confiance des citoyens.



























