Le président kényan, William Ruto, a pris la décision radicale de limoger presque tous les membres de son gouvernement, ne laissant en place que le vice-président et le ministre des Affaires étrangères. Cette décision intervient deux semaines après des manifestations antigouvernementales meurtrières, exacerbées par une série de nouvelles mesures fiscales impopulaires. L’ampleur et la violence des manifestations ont mis en évidence le mécontentement croissant de la population face à la gestion économique du pays par le gouvernement.
Les manifestations ont été déclenchées par l’annonce en juin de nouvelles augmentations de taxes, perçues comme une trahison des promesses électorales de Ruto. Élu en août 2022 sur la promesse de défendre les plus modestes, Ruto a rapidement accru la pression fiscale sur une population déjà éprouvée par la pandémie de COVID-19 et une économie en difficulté. La réaction populaire, notamment de la jeunesse kényane, a été immédiate et violente, culminant avec l’assaut du Parlement et des affrontements meurtriers avec la police. Le bilan humain des manifestations est lourd, avec 39 morts selon l’agence kényane de protection des droits humains (KNHCR).
Face à cette crise, Ruto a justifié son remaniement en affirmant avoir écouté le peuple kényan et avoir fait une évaluation globale de la performance de son cabinet. Il a reconnu les défis et les échecs de son gouvernement, en particulier dans la gestion de la crise économique et la réponse aux manifestations. En limogeant la quasi-totalité de son gouvernement, Ruto semble vouloir envoyer un message fort de changement et de responsabilité.
Ruto a annoncé qu’il allait engager de vastes consultations pour former un gouvernement « à base élargie ». Cette nouvelle équipe aura pour mission d’accélérer les réformes nécessaires pour répondre au « fardeau de la dette », augmenter les opportunités d’emploi et lutter contre la corruption. En outre, le président a indiqué que les récents événements ont nécessité une révision et une réorganisation du budget national, en retirant le projet de loi de finances controversé et en annonçant des mesures alternatives pour combler les déficits budgétaires.
La décision de Ruto de limoger son gouvernement a été accueillie par des réactions mitigées. Certains observateurs, comme Declan Galvin du cabinet Exigent Risk Advisory, estiment que faire table rase pourrait être bénéfique pour Ruto, lui permettant de repartir sur de nouvelles bases. Cependant, d’autres voix critiques rappellent que cette manœuvre pourrait être perçue comme une tentative désespérée de contenir la colère populaire sans s’attaquer aux véritables causes de la crise.
L’impact économique de cette crise politique est déjà visible. L’agence de notation financière Moody’s a abaissé la note de la dette à long terme du Kenya, avec des perspectives négatives. La dette publique du Kenya atteint environ 70 % du PIB, une situation préoccupante pour l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est.
Le limogeage massif du gouvernement par William Ruto marque une étape décisive dans son mandat présidentiel. Confronté à une crise de légitimité et à des défis économiques majeurs, Ruto doit maintenant prouver que son nouveau gouvernement peut répondre aux attentes du peuple kényan et stabiliser la situation économique. La route s’annonce difficile, et la réussite de cette entreprise dépendra de la capacité du président et de son équipe à mettre en œuvre des réformes efficaces et à regagner la confiance de la population.