À un mois de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, la scène politique camerounaise est marquée par une tentative d’union de l’opposition contre Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. Le 13 septembre, à Yaoundé, l’Union pour le changement 2025 – une coalition informelle menée par Anicet Ekane (président du Manidem) et Djeukam Tchameni – a désigné à l’unanimité Issa Tchiroma Bakary comme « candidat consensuel » pour affronter le président sortant, âgé de 92 ans et candidat à un huitième mandat. Cet ancien ministre de la Communication (de 2009 à juin 2025) et porte-parole du gouvernement pendant 16 ans a accepté la mission « avec humilité, gravité et une détermination sans faille », selon un communiqué relayé par Actu Cameroun. Il s’est immédiatement lancé dans la campagne en interpellant directement Paul Biya : « Vous avez gouverné par procuration, utilisant la peur, la manipulation et la division comme armes politiques. Moi, je viens avec l’espoir, avec la réconciliation, avec la volonté de rassembler tous les Camerounais. »
L’Union pour le changement, créée juste après les investitures des candidats, regroupe une cinquantaine de partis et associations. Selon Anicet Ekane, le choix d’Issa Tchiroma Bakary s’est imposé car il est le seul parmi les 11 candidats de l’opposition à avoir signé sans réserve un engagement pour un mandat unique, un audit de l’État, des assises nationales et une transition de trois à cinq ans. La coalition laisse la porte ouverte à une collaboration avec les autres candidats – y compris ceux recalés comme Maurice Kamto – à condition qu’ils adhèrent à cette « mutualisation des énergies ». Cependant, comme le souligne l’analyste politique Stéphane Akoa interrogé par TV5MONDE, cet accord « n’interdit pas à ceux qui veulent être seuls dans leur combat politique contre Paul Biya de se présenter ».
Malgré cette ambition d’unité, la désignation ne garantit pas un retrait massif des autres prétendants. Pour l’instant, 11 candidats de l’opposition restent en lice face à Paul Biya, et la fragmentation persiste. Des tentatives passées de candidature unique, comme en 2018, ont échoué, alimentant les doutes sur l’efficacité de cette stratégie.
La nomination d’Issa Tchiroma Bakary, ancien allié fidèle du régime de Paul Biya — dont il s’est finalement distancié en juin 2025 en démissionnant pour se lancer dans la course — suscite de vives réactions. Pour beaucoup, ce choix symbolise davantage une manœuvre opportuniste qu’un véritable renouveau politique. Ses détracteurs rappellent qu’il a longtemps servi le pouvoir qu’il prétend désormais combattre, ce qui alimente les doutes sur sa sincérité et sa capacité à incarner une alternative crédible. Cette décision, loin de fédérer l’opposition, a au contraire accentué ses divisions, entre scepticisme, méfiance et accusations de récupération politique.
Sur Vision4, Célestin Bedzigui a rapidement qualifié l’annonce de « non-événement », estimant qu’elle ne changeait rien à la configuration électorale. Akere Muna, candidat du parti UNIVERS, est allé plus loin en contestant la légitimité des initiateurs, Anicet Ekane et Djeukam Tchameni, en demandant publiquement : « Qui leur a donné ce mandat ? ». Hilaire Nzipang, candidat recalé, a lui aussi dénoncé une « auto-saisie » d’un dossier qui relève avant tout des véritables prétendants à l’élection.
D’autres formations, comme le Peuple uni pour la rénovation sociale (PURS) et l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), ont pris leurs distances, dénonçant une initiative « isolée, portée par des groupuscules sans mandat ». Sur les réseaux sociaux, notamment X, les critiques fusent : beaucoup d’internautes ironisent sur une opposition « fragmentée » et fustigent le choix d’un « ex-allié du pouvoir » comme figure de consensus.
Le principal opposant, Maurice Kamto, reste quant à lui silencieux. Recalé par Elecam et le Conseil constitutionnel en août, il n’a donné aucune consigne de vote, laissant planer le doute sur sa stratégie. Son ancien soutien, Anicet Ekane, surprend d’ailleurs en appuyant désormais Issa Tchiroma, ce qui brouille encore davantage les cartes. L’analyste Stéphane Akoa estime que Kamto pourrait « garder le silence jusqu’à la dernière minute » ou tenter d’influer sur d’autres candidatures, comme celle de Bello Bouba Maïgari.
À ce stade, aucune entente n’a été trouvée entre Kamto, Tchiroma et Maïgari, renforçant l’image d’une opposition profondément divisée, incapable de s’unir face à Paul Biya pour l’élection présidentielle.