Le Japon s’apprête à désigner son nouveau Premier ministre ce samedi 4 octobre, à l’issue de l’élection interne du Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale avec seulement quelques interruptions. La démission surprise de Shigeru Ishiba, annoncée le 7 septembre après moins d’un an à la tête du gouvernement, a relancé une course acharnée à la présidence du parti, et donc au poste de chef du gouvernement. Cette élection intervient dans un contexte de fragilité pour le PLD, qui a perdu sa majorité absolue au Parlement lors des scrutins de 2024 et 2025, marquant la première fois depuis 1955 que le parti dominant ne contrôle plus les deux chambres du Diet sans alliés.
Cinq candidats briguent la présidence du PLD : Shinjiro Koizumi, ministre de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche et fils de l’ancien Premier ministre Junichiro Koizumi ; Sanae Takaichi, ancienne ministre et figure nationaliste ; Toshimitsu Motegi, ancien secrétaire général du parti ; Yoshimasa Hayashi, secrétaire général du cabinet ; et Takayuki Kobayashi, ancien ministre des Affaires économiques et de la Sécurité nationale. Parmi eux, Koizumi et Takaichi émergent comme les favoris incontestés des sondages, incarnant deux visions contrastées pour le renouveau du parti.
Âgé de 44 ans, Shinjiro Koizumi s’est rapidement imposé comme l’une des figures les plus populaires de la politique japonaise. Son image jeune et dynamique – il serait le Premier ministre le plus jeune depuis la Seconde Guerre mondiale en cas de victoire – contraste avec l’expérience plus classique de certains de ses rivaux. Bien qu’il soit relativement récent sur la scène politique nationale, son nom et son héritage familial lui confèrent un capital symbolique important. Koizumi, qui a déjà participé à la course de 2024, met l’accent sur des réformes audacieuses : il promet une « effort total » pour porter la représentation des femmes au Diet à 30 % d’ici dix ans, et défend une ligne réformiste sur l’économie et l’environnement, tout en atténuant son discours pour séduire les conservateurs du parti. Sa popularité auprès du grand public, évaluée à 22,5 % dans un sondage Kyodo de mi-septembre, pourrait se traduire en soutien des membres de base du PLD, qui votent proportionnellement dans le premier tour.
Sanae Takaichi, 63 ans, représente quant à elle une droite conservatrice et nationaliste en quête d’affirmation. Inspirée par Margaret Thatcher, qu’elle voit comme un modèle de leadership centre-droit, elle s’est déclarée candidate dès juillet, avant même la démission d’Ishiba. Takaichi, qui a frôlé la victoire en 2024 face à Ishiba au premier tour, défend des positions fermement traditionnelles : opposition à la succession féminine à l’empereur, refus du mariage homosexuel, soutien au maintien du nom de famille partagé pour les couples mariés, et une volonté farouche de réviser la Constitution pour ancrer le rôle des Forces d’autodéfense. Derrière cette posture intransigeante, certains observateurs soulignent son côté rebelle et déterminé, forgé par un engagement précoce en politique. Avec 28 % des intentions de vote dans le même sondage Kyodo, elle bénéficie d’un soutien solide parmi les élus du parti et les conservateurs, notamment ceux de l’ancienne faction Abe. Elle est aussi la seule à laisser ouverte la possibilité de renégocier l’accord tarifaire récemment conclu avec les États-Unis sous Ishiba.
Le scrutin du PLD mobilisera 295 élus au parlement ainsi que 295 autres membres du parti à travers le pays, reflétant un équilibre entre l’élite et la base militante. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue au premier tour, un second tour opposera les deux premiers, où les chapitres préfectoraux du parti pèsent moins lourd, favorisant les parlementaires – un avantage potentiel pour Takaichi. Dans le système politique japonais, le leader du PLD, parti majoritaire quasi permanent malgré ses revers récents, devient automatiquement le Premier ministre, sous réserve d’un vote confirmatoire au Diet. Ce samedi, les Japonais découvriront donc qui succédera à Ishiba et dirigera le pays dans un contexte marqué par des défis économiques (hausse des prix, besoin de coalitions pour faire passer les budgets) et géopolitiques croissants (tensions avec la Chine, alliance avec les États-Unis).
Quel que soit le vainqueur, il ou elle hériterera d’un mandat précaire, contraint à des alliances inhabituelles avec l’opposition pour gouverner. L’issue de cette élection pourrait redessiner non seulement le paysage politique japonais, mais aussi ses relations internationales dans un monde incertain.