Istanbul, 13 novembre 2025 – Le maire emblématique d’Istanbul et principal rival politique du président Recep Tayyip Erdoğan, Ekrem İmamoğlu, se retrouve au cœur d’un procès d’une ampleur historique. Le parquet turc a requis jusqu’à 2 430 ans de prison contre lui, l’accusant de corruption à grande échelle et de direction d’une organisation criminelle, dans un dossier qui concerne 402 accusés et s’étend sur 3 900 pages.
L’annonce de cette réquisition a immédiatement provoqué un choc politique et économique, la Bourse d’Istanbul a chuté de 3,1 %, enregistrant sa pire séance depuis plusieurs mois, tandis que des manifestations massives ont de nouveau éclaté dans les rues de la capitale économique turque.
Pour de nombreux observateurs et journalistes, ce procès dépasse largement le cadre juridique. Selon Cumhuriyet, chaque action d’İmamoğlu dans sa campagne pour la mairie d’Istanbul est interprétée comme un acte criminel, remettant en cause la présomption d’innocence et donnant lieu à ce que certains qualifient de criminalisation de l’ambition politique.
Le journaliste Timur Soykan souligne l’absurdité du chef d’accusation : « Pourquoi vouloir accéder au pouvoir deviendrait-il un crime ? Erdoğan lui-même a suivi ce chemin pour devenir maire puis président. »
Selon des analystes internationaux, cette offensive judiciaire illustre la volonté du président turc de museler durablement ses rivaux politiques. L’essor du CHP, parti historique de l’opposition, et ses succès dans les élections municipales constituent un véritable défi pour Erdoğan, qui semble déterminé à ériger un mur judiciaire et politique autour d’İmamoğlu.
Maximilian Popp, ancien correspondant à Istanbul pour Der Spiegel, insiste sur la nécessité d’une réaction européenne : « La Turquie est trop importante pour que l’Europe reste silencieuse face au recul de la démocratie. Il faut soutenir les démocrates turcs et rencontrer la société civile. »
L’arrestation d’İmamoğlu en mars 2025 avait déjà déclenché des manifestations massives et une crise économique majeure, contraignant la banque centrale turque à vendre plus de 50 milliards de dollars de réserves pour stabiliser la livre. Depuis, la répression à l’encontre des figures de l’opposition s’est intensifiée, avec des arrestations et des accusations d’espionnage et de liens avec des militants kurdes clandestins.
Élu maire d’Istanbul en 2019, İmamoğlu est devenu le symbole de l’opposition et de l’espoir démocratique en Turquie. La réquisition de plus de 2 000 ans de prison illustre non seulement la crise institutionnelle et démocratique dans le pays, mais aussi la détermination d’Erdoğan à neutraliser ses adversaires par tous les moyens.



























