Dans un climat de tensions croissantes avec les États-Unis, le gouvernement vénézuélien a ordonné mardi un déploiement massif de ses forces armées à travers tout le pays. Cette mobilisation, qualifiée de « contre-mesure » par les autorités de Caracas, répond directement à l’arrivée du porte-avions nucléaire USS Gerald R. Ford dans les eaux des Caraïbes, sous le commandement sud des États-Unis (USSOUTHCOM).
Le ministre de la Défense, Vladimir Padrino López, a annoncé à la télévision d’État que près de 200 000 militaires, incluant des unités terrestres, aériennes, navales et des réservistes de la Milice bolivarienne, ont été placés en état d’alerte maximale. « Les divisions des Forces armées nationales bolivariennes (FANB) sont plus unies et équipées que jamais, en fusion parfaite avec le peuple vénézuélien, pour défendre les intérêts sacrés de la patrie face à la menace impérialiste », a-t-il déclaré. Ces exercices, baptisés « Plan Independencia 200 », visent à optimiser le commandement, les communications et la coordination entre forces armées et milices civiles, et se poursuivront jusqu’au mercredi.
Cette initiative militaire s’inscrit dans une escalade plus large. Parallèlement, l’Assemblée nationale, dominée par les chavistes, a adopté mardi une loi visant à renforcer la stratégie de défense nationale. Le président de l’Assemblée, Jorge Rodríguez, a présenté ce texte comme une « nouvelle manière de gérer le déploiement des troupes, l’exécution des ordres et, surtout, la coopération entre le peuple et les forces armées ». Cette législation, inspirée des doctrines de l’ère Hugo Chávez, intègre les milices populaires dans un schéma de résistance asymétrique, incluant potentiellement des tactiques de guérilla urbaine ou d’« anarchisation » pour rendre le pays ingouvernable en cas d’invasion.
L’arrivée de l’USS Gerald R. Ford, le plus grand et le plus avancé des porte-avions américains, marque un tournant. Embarquant plus de 4 000 marins, des escadrons d’avions de chasse F/A-18 Super Hornet, des hélicoptères et des systèmes de surveillance avancés, le navire a quitté prématurément sa mission en Méditerranée pour rejoindre la région, sur ordre direct du secrétaire à la Défense Pete Hegseth. Il s’ajoute à une flotte déjà impressionnante : huit navires de guerre, un sous-marin d’attaque nucléaire, le groupe amphibie USS Iwo Jima avec 4 500 Marines, et une escadre de F-35 basés à Porto Rico. Au total, plus de 15 000 militaires américains opèrent désormais dans les Caraïbes, la plus importante présence depuis l’invasion du Panama en 1989.
Washington justifie ce renforcement par sa « guerre contre la drogue », avec au moins 19 frappes aériennes menées depuis septembre contre des navires présumés impliqués dans le trafic de narcotiques dans les Caraïbes et l’océan Pacifique oriental. Ces opérations ont fait au moins 76 morts, dont plusieurs suspects qualifiés de « narco-terroristes » par l’administration Trump. Le président américain a évoqué la possibilité de frappes terrestres à venir, tout en niant des plans immédiats contre le Venezuela. Des responsables du Pentagone insistent sur le fait que cette présence vise à « démanteler les organisations criminelles transnationales » et à protéger la sécurité des États-Unis.
De son côté, le président Nicolás Maduro rejette fermement ces accusations, les qualifiant de « prétexte fabriqué » pour un coup d’État. « Les États-Unis inventent une guerre pour nous renverser, mais le peuple vénézuélien est prêt à résister avec des millions d’hommes et de femmes armés », a-t-il lancé lors d’un discours récent. Caracas dénonce une violation de la souveraineté et a reçu récemment des équipements militaires russes, dont des systèmes de missiles sol-air Igla-S, pour bolser ses défenses. Le sommet de la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC) à Bogotá a condamné dimanche toute « menace ou usage de la force contraire au droit international », sans nommer explicitement les États-Unis.
Cette confrontation risque d’embraser la région. La Colombie, voisine du Venezuela, a suspendu le partage de renseignements avec Washington en protestation contre les frappes en mer, tandis que des analystes comme Christopher Sabatini de Chatham House estiment que l’escalade américaine vise à intimider Maduro pour un changement de régime « à bas coût ». À 8 millions de dollars par jour pour maintenir le porte-avions en mer, la facture monte vite. Reste à savoir si les rodomontades céderont la place à la diplomatie, ou si les Caraïbes deviendront le théâtre d’un nouveau bras de fer hémisphérique.


























