Le 4 mars 2025, une annonce conjointe des gouvernements saoudien et libanais a marqué un tournant potentiel dans les relations entre les deux pays. L’Arabie saoudite a exprimé sa volonté de réexaminer les obstacles entravant la reprise des importations en provenance du Liban et de lever l’interdiction de voyager imposée à ses ressortissants vers ce pays. Cette déclaration intervient à l’issue d’une rencontre historique à Riyad entre le président libanais Joseph Aoun et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS), le 3 mars 2025. Ce sommet, qui s’inscrit dans le cadre du premier déplacement officiel de Joseph Aoun à l’étranger depuis son entrée en fonction en janvier, témoigne d’un regain d’intérêt saoudien pour le Liban après des années de distanciation.
Les relations entre l’Arabie saoudite et le Liban ont été marquées par des frictions ces dernières années, notamment en raison de l’influence du Hezbollah, soutenu par l’Iran, rival régional de Riyad. En avril 2021, l’Arabie saoudite avait suspendu les importations de fruits et légumes libanais, accusant Beyrouth de ne pas enrayer le trafic de drogue dissimulé dans ces expéditions. Cette décision avait porté un coup dur à l’économie libanaise, l’Arabie saoudite représentant en 2019 environ 22,1 % des exportations agricoles du pays, selon un rapport gouvernemental de 2020. Parallèlement, les ressortissants saoudiens devaient obtenir une autorisation préalable pour se rendre au Liban, une mesure reflétant la méfiance de Riyad envers l’influence iranienne dans la politique libanaise.
Le refroidissement des relations avait culminé en 2016 avec la suspension par l’Arabie saoudite d’une aide militaire de 3 milliards de dollars destinée à l’armée libanaise, une décision motivée par la domination perçue du Hezbollah sur la scène politique locale. Cependant, la guerre de l’année dernière entre Israël et le Hezbollah, qui a considérablement affaibli ce dernier, semble avoir ouvert la voie à une réévaluation de la position saoudienne.
Arrivé à Riyad le lundi soir, Joseph Aoun est devenu le premier chef d’État libanais à visiter la capitale saoudienne en huit ans. Lors de sa rencontre avec MBS, les deux dirigeants ont affiché une volonté de coopération renforcée. Selon le communiqué officiel publié par l’agence de presse saoudienne, les deux parties ont convenu d’étudier les mesures nécessaires pour relancer les exportations libanaises vers le royaume et faciliter les déplacements des citoyens saoudiens vers le Liban. Cette annonce pourrait redonner un souffle économique au Liban, dont l’agriculture et le tourisme ont été durement touchés par les crises successives.
Au-delà des aspects économiques, les discussions ont également porté sur la situation régionale. Les deux pays ont réaffirmé la nécessité du retrait des troupes israéliennes du territoire libanais, conformément au cessez-le-feu conclu en novembre 2024. Cette position intervient alors qu’Israël maintient une présence dans une « zone tampon » au sud du Liban, malgré l’expiration du délai fixé au 18 février 2025 pour son retrait complet, selon les déclarations récentes du ministre israélien de la Défense, Israël Katz.
Ce rapprochement intervient dans un contexte de recomposition politique au Liban. L’affaiblissement du Hezbollah, la formation d’un nouveau gouvernement ayant obtenu la confiance du Parlement, et l’élection de Joseph Aoun comme président en janvier 2025 semblent avoir rassuré Riyad. Lors d’une interview accordée au journal saoudien Asharq al-Awsat le vendredi précédent sa visite, Aoun a exprimé son souhait de réactiver, si possible, l’aide militaire saoudienne suspendue en 2016. Une telle démarche pourrait renforcer l’armée libanaise, perçue comme un contrepoids au Hezbollah, et consolider les liens entre les deux nations.
Si ces engagements se concrétisent, ils pourraient marquer la fin d’une période d’isolement pour le Liban vis-à-vis de l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe. La reprise des importations et la levée de l’interdiction de voyager offriraient une bouffée d’oxygène à l’économie libanaise, tout en signalant un retour progressif de Riyad dans les affaires libanaises. Toutefois, la réussite de cette normalisation dépendra de la capacité du Liban à répondre aux attentes saoudiennes, notamment en matière de sécurité et de lutte contre les trafics.
En attendant, cette visite et les annonces qui en découlent constituent un signal fort : après des années de méfiance, l’Arabie saoudite semble prête à tendre la main au Liban dans un contexte régional en pleine mutation.