Beyrouth, 5 septembre 2025 — Le gouvernement libanais a annoncé vendredi le lancement d’un plan visant à désarmer le Hezbollah, une décision qui secoue profondément le fragile équilibre politique et sécuritaire du pays. Le ministre de l’Information, Paul Morcos, a précisé que les détails du plan resteraient « secrets », tout en soulignant que l’armée interviendrait « dans la limite de moyens logistiques, matériels et humains restreints ».
Cette annonce, survenue à l’issue d’une réunion gouvernementale houleuse, a immédiatement provoqué la sortie des cinq ministres chiites, représentants du Hezbollah et de son allié Amal, dès l’arrivée du chef de l’armée libanaise.
Depuis août, sous pression américaine et face à la menace d’une escalade israélienne, le gouvernement du Premier ministre Nawaf Salam avait ordonné l’élaboration de ce plan, avec pour objectif de désarmer le Hezbollah d’ici la fin de l’année 2025. À l’époque déjà, les ministres chiites avaient boycotté la réunion gouvernementale.
Le président du Parlement et chef d’Amal, Nabih Berri, a récemment appelé à un « dialogue calme et consensuel », mais la tension reste palpable. Dans les rues de Beyrouth, la colère gronde : manifestations, pneus enflammés et drapeaux du Hezbollah reflètent la détermination des partisans du mouvement à défendre leurs armes, perçues comme un symbole de sécurité et d’identité.
Colère dans les rangs chiites
La réaction au sein des communautés chiites est vive et unifiée. Les dirigeants religieux et militants dénoncent ce plan comme une attaque directe contre leur identité et leur sécurité collective. Plusieurs quartiers de Beyrouth ont connu des rassemblements spontanés, certains bloquant les routes et exigeant le retrait immédiat de toute tentative de désarmement. Les leaders du Hezbollah multiplient les appels à la vigilance et à la « défense de la résistance », accusant le gouvernement de céder aux pressions étrangères et de menacer la stabilité du pays. Cette colère traduit une fracture profonde entre l’État libanais et une partie de sa population, qui voit dans cette initiative une remise en question de ses acquis sécuritaires et politiques.
Les avis sont partagés parmi les habitants. « Seule l’armée peut protéger le pays désormais », estime Raseel, une résidente de Beyrouth. Mais pour Ali Khalil, 20 ans, « les armes du Hezbollah ne seront pas confisquées » et toute tentative de saisie risquerait de provoquer un affrontement direct.
Le Hezbollah, fragilisé par plus d’un an de conflit avec Israël et la destruction partielle de son arsenal, refuse de rendre ses armes. Son chef adjoint, Naïm Qassem, a dénoncé fin août un « péché » dicté par Washington et Tel-Aviv, conditionnant tout débat sur le désarmement à un retrait israélien du sud-Liban, à l’arrêt des frappes et au lancement d’un programme de reconstruction.
Le plan de désarmement s’inscrit dans le cadre du cessez-le-feu négocié fin novembre 2024 entre Israël et le Hezbollah, sous l’égide des États-Unis. Selon l’accord, adossé à une résolution de l’ONU, le port d’armes est réservé à l’armée et aux forces de sécurité officielles, et le déploiement dans le sud du pays est exclusivement confié à l’armée libanaise et aux Casques bleus.
Pourtant, la situation demeure volatile , Israël maintient des positions militaires dans cinq zones du sud-Liban et poursuit ses frappes contre le Hezbollah. Ces deux derniers jours, au moins cinq personnes ont été tuées lors des bombardements, selon les autorités locales.
Le gouvernement libanais insiste sur le fait que le désarmement du Hezbollah est indispensable pour restaurer l’autorité de l’État. Mais la mise en œuvre de ce plan pourrait déclencher une nouvelle crise politique et sécuritaire, exposant le pays à une confrontation directe avec le mouvement chiite et à une escalade des tensions avec Israël.