Addis-Abeba – Face aux accusations de l’Égypte, l’Éthiopie a fermement rejeté toute implication dans les récentes inondations qui ont frappé le Soudan. Dans un communiqué publié samedi par le ministère éthiopien de l’Eau et de l’Énergie, Addis-Abeba qualifie les déclarations du Caire de « mensongères, pernicieuses et destinées à tromper la communauté internationale ».
Le ministère égyptien de l’Irrigation avait affirmé vendredi que l’ouverture des vannes du Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) après son inauguration début septembre serait à l’origine des inondations dans plusieurs régions soudanaises, y compris dans la capitale Khartoum et ses environs. Selon Le Caire, ce rejet massif d’eau aurait inondé des terres agricoles et plongé plusieurs villages sous les eaux, traduisant selon l’Égypte « une administration indisciplinée et irresponsable du barrage ».
L’Éthiopie conteste vigoureusement cette version. Le GERD, situé sur le Nil Bleu, aurait au contraire permis de limiter les destructions au Soudan et en Égypte lors des récentes pluies exceptionnelles dans les Hautes terres éthiopiennes. Addis-Abeba souligne que les inondations soudanaises sont principalement causées par l’augmentation du débit du Nil Blanc, tributaire indépendant du Nil qui ne prend pas sa source en Éthiopie. Le gouvernement éthiopien rappelle également que les autorités soudanaises elles-mêmes attribuent cette catastrophe à des précipitations extrêmes et aux dommages infligés aux infrastructures durant le conflit interne.
L’inauguration du GERD, présenté comme le plus grand projet hydroélectrique d’Afrique, a ravivé des tensions historiques entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie. Depuis le début de sa construction en 2011, Le Caire et Khartoum exigent un accord juridiquement contraignant sur le remplissage et l’exploitation du barrage, craignant que ce mégaprojet ne réduise leur accès à l’eau du Nil, ressource vitale pour l’agriculture et l’approvisionnement domestique. Addis-Abeba, de son côté, estime qu’un tel accord n’est pas nécessaire et affirme agir dans le respect des intérêts de ses voisins. Les négociations tripartites ont connu plusieurs suspensions, notamment entre 2021 et 2024.
Le GERD, géré par l’entreprise italienne Webuild, produit de l’électricité et non de l’eau pour l’irrigation. Son exploitation ne modifie donc pas le débit du Nil Bleu de manière significative, selon Pietro Salini, PDG du maître d’œuvre. L’Éthiopie insiste ainsi sur le fait que sa gestion du barrage n’a « rien à voir avec les inondations soudanaises » et accuse l’Égypte de vouloir instrumentaliser la situation pour asseoir une forme de tutelle sur les pays du bassin du Nil.
Alors que le débat diplomatique s’intensifie, le Soudan continue de subir les conséquences d’inondations exceptionnelles, les habitants de villages comme Wad Ramli récupérant péniblement leurs biens sous les eaux. La polémique autour du GERD illustre à la fois l’importance stratégique du Nil et la fragilité des relations hydriques dans la région, où la sécurité de l’eau reste un enjeu majeur pour des millions de personnes