L’Armée nationale populaire (ANP) a dévoilé, mercredi, un bilan opérationnel couvrant la période du 26 février au 4 mars 2025, vantant des succès dans sa lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Si les chiffres impressionnent à première vue – un terroriste capturé à Tamanrasset, trois autres rendus à Bordj Badji Mokhtar, et des saisies massives de drogue et d’équipements illicites –, cette vitrine soigneusement polie cache mal les lacunes d’un système qui semble davantage préoccupé par l’autopromotion que par des résultats durables.
La capture de Malaoui Tahar à Tamanrasset, avec son arsenal de guerre, ou la reddition de trois terroristes à Bordj Badji Mokhtar, présentées comme des victoires éclatantes, soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses. Comment ces individus ont-ils pu opérer si longtemps avant d’être neutralisés ? L’arrestation de dix éléments de soutien aux groupes terroristes dans diverses opérations montre que les réseaux restent actifs, symptôme d’une menace qui, loin d’être éradiquée, continue de gangréner le pays. L’ANP clame un « haut professionnalisme » et une « disponibilité permanente », mais ces opérations, souvent menées lors de contrôles routiniers, trahissent une approche réactive plutôt qu’une stratégie proactive capable de démanteler les racines du problème.
Sur le front du narcotrafic, les 331 kilogrammes de kif traité et les 929 875 comprimés psychotropes saisis impressionnent sur le papier, mais ces chiffres ne disent rien de l’ampleur du trafic qui échappe encore aux mailles du filet. Les 36 narcotrafiquants arrêtés ne représentent qu’une goutte d’eau dans un océan de criminalité transfrontalière, alimentée par des frontières poreuses avec le Maroc et une coordination sécuritaire qui laisse à désirer. Quant aux 244 arrestations liées à l’orpaillage illicite à Tamanrasset, In Salah ou Djanet, elles soulignent l’incapacité chronique des autorités à offrir des alternatives économiques viables dans ces régions délaissées, où le désespoir pousse les populations à l’illégalité.
Le bilan s’alourdit encore avec la saisie de carburants, de tabac et de denrées alimentaires destinés à la contrebande, ainsi que l’arrestation de 716 immigrants clandestins. Ces chiffres, martelés comme des preuves de succès, masquent une réalité plus sombre : l’ANP semble condamnée à jouer les pompiers dans un pays où les crises sociales, économiques et sécuritaires s’entrelacent sans qu’aucune solution structurelle ne soit en vue. L’accent mis sur les « effets saisis » – armes, véhicules, explosifs – ressemble à une opération de communication bien rodée, mais elle ne répond pas aux véritables défis : pourquoi ces fléaux persistent-ils après des décennies de lutte acharnée ?
Ce bilan, au lieu de rassurer, met en lumière les limites d’une politique sécuritaire qui se contente de traiter les symptômes sans s’attaquer aux causes profondes. L’ANP peut bien parader avec ses prises, mais tant que le chômage, la corruption et l’absence de perspectives continueront d’alimenter terrorisme et criminalité, ces « résultats de qualité » risquent de n’être qu’un écran de fumée dans un paysage algérien en pleine dérive.