Le 7 mai 2025, la diplomatie française a confirmé avoir été officiellement informée par la justice algérienne de l’émission de deux mandats d’arrêt internationaux visant Kamel Daoud, écrivain franco-algérien et lauréat du prix Goncourt 2024 pour son roman Houris. Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, a déclaré que la France suivrait « l’évolution de cette situation avec attention », réaffirmant l’attachement indéfectible de Paris à la liberté d’expression et saluant Daoud comme un « auteur reconnu et respecté ».
À l’origine de cette affaire se trouve une plainte déposée en novembre 2024 par Saâda Arbane, survivante d’un massacre de la « décennie noire » (1992-2002). Elle accuse Kamel Daoud et son épouse, psychiatre de profession, d’avoir utilisé son histoire personnelle sans son consentement pour nourrir la trame de Houris. Une seconde plainte, émanant de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme, reproche une violation du secret médical et de l’intimité. Ces accusations ont conduit la justice algérienne à émettre deux mandats d’arrêt internationaux contre l’écrivain et son épouse, en application du code de procédure pénale algérien, qui autorise une telle mesure en cas de fuite ou de résidence à l’étranger.
Le roman Houris, œuvre de fiction, a été interdit en Algérie, et son éditeur, Gallimard, a été exclu sans explication du Salon international du livre d’Alger 2024. Ces mesures traduisent une volonté manifeste du régime de réprimer toute narration alternative des traumatismes collectifs de la guerre civile. Depuis 2005, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale interdit toute évocation publique critique de ce conflit, criminalisant ainsi la mémoire et entravant un travail collectif de vérité et de justice. La mise en cause de Kamel Daoud s’inscrit dans cette logique de verrouillage idéologique, où, sous couvert de procédures judiciaires, le pouvoir cherche à intimider les intellectuels critiques.
L’affaire Daoud n’est pas un cas isolé. Elle s’ajoute à une série d’atteintes répétées à la liberté d’expression en Algérie. En novembre 2024, l’écrivain Boualem Sansal, autre figure majeure de la littérature algérienne critique, a été arrêté et accusé d’atteinte à l’unité nationale pour ses déclarations sur les frontières algéro-marocaines. Ces épisodes reflètent une dérive autoritaire de pius en plus assumée, où la culture, l’histoire et la mémoire sont placées sous surveillance.
La répression de la liberté d’expression en Algérie constitue non seulement une atteinte aux droits individuels, mais aussi un obstacle à la réconciliation nationale et à l’émergence d’une société démocratique. Il est impératif que le régime algérien reconnaisse la pluralité des voix et autorise un débat ouvert sur son histoire, afin de favoriser la compréhension, la guérison et le progrès.