L’avenir du Mali entre les mains de la France, la Turquie et la Russie

Le soutien soudain accordé par Ankara à la junte militaire au pouvoir au Mali alimente la possibilité d’une nouvelle rivalité entre la Turquie et la France en Afrique. Or, il apparaît que la Russie est le pays qui entretient le plus de relations avec les dirigeants du coup d’État.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, s’est rendu, quelques semaines après le coup d’État du 18 au 19 août, et a rencontré la junte militaire qui a déposé le président de l’ancienne colonie française, Ibrahim Boubacar Keita. Les soldats ont créé ce qu’ils appellent le Comité national pour le salut du peuple et se sont engagés à améliorer la situation critique du pays, en assurant une transition démocratique, dans les 18 mois. Mais, l’influence des pays africains s’inscrit dans ce scénario, ainsi que celle d’autres acteurs internationaux importants.
Avant le 18 août, une série de manifestations contre Keita s’est intensifiée. Certains groupes d’opposition maliens, dirigés par Mahmoud Dicko, un imam influent, avaient prévu une manifestation massive pour renverser le gouvernement le 19 août. Cependant, agissant tôt, la junte militaire a pris le pouvoir un jour avant la manifestation, renversant l’exécutif. Indépendamment de leur soutien à la Turquie ou de leur opposition à la France, le peuple malien a eu de nombreuses raisons de descendre dans la rue, notamment la corruption, la pauvreté et la mauvaise gestion de la pandémie de coronavirus. La méfiance du public s’est encore accrue car le gouvernement n’a pas réussi la guerre contre le terrorisme parrainée par l’ONU, qui coûte environ un milliard de dollars par an, est considérée comme un échec.
Ankara a un grand intérêt pour le continent africain et il tente d’étendre son influence, en commençant par les régions les plus instables, auxquelles il peut apporter une aide humanitaire immédiate. La France, en revanche, est déjà présente dans son ancienne colonie avec environ 5 000 soldats sur le territoire, organisée en opération antiterroriste. Dans ce contexte, de nombreux Maliens – dont l’imam Dicko, qui avait précédemment soutenu les interventions militaires de la France contre les islamistes qui avaient pris le contrôle du Nord – se sont retournés contre Paris, l’accusant d’aggraver la crise dans le pays. L’imam a accusé la France d’essayer d’exploiter la guerre contre les jihadistes pour recoloniser la nation et nombreux Maliens considèrent Keita comme « l’homme de la France à Bamako ». Toutefois, l’hostilité récente envers la France ne signifie pas nécessairement un rapprochement avec la Turquie.
L’imam Dicko,a fait ses études en Arabie saoudite et est originaire de la province du sud-est de Tombouctou, au cœur du soufisme africain. Le parcours de l’homme est de style wahhabite et cela le rapproche des pays du Golfe, qui ont tendance à contraster avec la Turquie.
Certaines sources rapportent que Dicko avait aidé la Turquie à trouver un terrain à Bamako pour la construction d’une mosquée parrainée par Ankara. Le religieux avait également des liens avec un mouvement turc connu sous le nom d’Islamic National Outlook. Cependant, de tels liens entre les organisations islamiques ne sont pas inhabituels et le mouvement a eu des relations similaires avec d’autres mouvements à travers le monde. De plus, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, entretenait de bonnes relations avec Keita. La Turquie a ouvert son ambassade au Mali dans la capitale Bamako en 2010. Erdogan a effectué son premier voyage dans le pays en 2018. Pourtant, malgré ses efforts, la Turquie n’avait pas réussi à gagner suffisamment d’influence au sein de la société civile malienne. Aussi, il ne semble y avoir aucun lien apparent entre les dirigeants du coup d’État militaire malien et la Turquie. Le chef de la junte, le colonel Assimi Goita, a été formé par le Pentagone, puis en Allemagne et en France. Lorsque Goita a été enlevé par des militants en 2012, Dicko avait aidé à sa libération.
Au lieu de cela, deux autres dirigeants de la junte militaire actuellement au pouvoir, Sadio Camara et Malick Diaw, sont connus pour leurs liens étroits avec la Russie.