Au moment où des blessés étaient extraits des décombres, ils étaient immédiatement assaillis par des interviews télévisées, sans égard pour le traumatisme profond qu’ils venaient de subir. La couverture médiatique de la tragédie de vendredi dernier, marquée par la chute d’un bus de transport public dans l’Oued El Harrach, a mis en lumière des pratiques journalistiques contraires à l’éthique. Pourtant, la réponse de l’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA) s’apparente à une répression brutale de la liberté de la presse. En suspendant pour 48 heures quatre chaînes privées – El Bilad TV, El Wataniya TV, El Hayat TV et Echorouk TV – à compter du samedi 16 août à 22 h 30, l’ANIRA impose une sanction disproportionnée qui muselle les médias sous prétexte de régulation.
L’ANIRA reproche à ces chaînes d’avoir interrogé des blessés dans les services d’urgence, harcelé les familles des victimes en plein choc émotionnel, diffusé des images choquantes sans avertissement et cherché à maximiser l’engagement sur les réseaux sociaux au détriment de la dignité des citoyens. Si ces accusations pointent des dérives réelles, elles servent ici de justification à une mesure autoritaire qui restreint la liberté d’expression. En s’appuyant sur la loi 23-20 et le décret exécutif 24-250, l’ANIRA impose une suspension touchant la diffusion satellitaire et numérique, interdisant tout nouveau contenu en ligne et exigeant le retrait immédiat des publications incriminées.
En ordonnant à l’Établissement public de télédiffusion (TDA) d’exécuter cette suspension sur tous les supports pour 48 heures, l’ANIRA adopte une approche coercitive qui semble davantage destinée à contrôler le récit médiatique qu’à protéger les victimes. Cette intervention musclée, qui prive les citoyens d’accès à l’information, révèle une volonté de censure déguisée en défense de l’éthique. La chasse au scoop, bien que critiquable, ne saurait justifier une telle atteinte à la liberté de la presse, condamnée par de nombreux Algériens qui y voient une entrave à la pluralité des voix dans un contexte déjà marqué par des restrictions.
