Le président tunisien Kaïs Saïed semble enclin à orchestrer une politique de changements aussi brusques qu’inattendus, comme en témoigne le limogeage soudain d’Ahmed Hachani, chef du gouvernement, dans la nuit du 7 juillet. Ce départ, annoncé par un simple communiqué sur les réseaux sociaux, marque une continuité dans la méthode de gestion de Saïed, où les décisions de gouvernance se prennent en dehors des canaux traditionnels de la politique. Ahmed Hachani, pourtant nommé en août 2023 pour remplacer Najla Bouden, a vu son mandat écourté sans explication, un geste qui renforce le sentiment d’arbitraire qui entoure la présidence actuelle.
L’année passée par M. Hachani à la tête du gouvernement a été marquée par des efforts pour atténuer les crises multiples que traverse la Tunisie. De l’augmentation du salaire minimum aux réformes des codes du commerce et des changes, en passant par une représentation active sur la scène internationale, Hachani a tenté de laisser une empreinte positive. Cependant, ces initiatives semblent insuffisantes face à une crise socio-économique persistante caractérisée par un chômage élevé, une inflation galopante, et une pénurie de produits alimentaires essentiels. La gestion de l’eau, devenue un problème critique pendant l’été, demeure également un défi majeur.
L’analyse de Hamadi Redissi souligne que la Constitution modifiée sous l’impulsion de Saïed a affaibli le pouvoir du chef du gouvernement, le transformant en simple exécutant des volontés présidentielles. Ce changement structurel illustre une concentration du pouvoir au sommet de l’État, renforçant ainsi un régime de plus en plus autoritaire.
Le nouveau chef du gouvernement, Kamel Madouri, prend les rênes avec un profil technocratique similaire à celui de son prédécesseur. Spécialiste des relations tuniso-européennes et ancien directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, Madouri est en politique depuis peu. Sa nomination, à quelques mois des élections présidentielles d’octobre, suscite des interrogations sur sa capacité à apporter un changement significatif dans un contexte politique tendu.
Le climat électoral est lui-même sous pression, avec des candidats confrontés à des obstacles bureaucratiques et des restrictions sévères sur les libertés individuelles. La répression croissante des opposants, dont certains sont emprisonnés, et les obstacles à la candidature de figures comme Nizar Chaari et Abir Moussi, accentuent l’inquiétude quant à la transparence et à l’équité du processus électoral. Saïed, tout en affirmant que la loi est appliquée de manière égale, continue de concentrer le pouvoir entre ses mains, accentuant les signes d’un régime autoritaire en mutation.
la Tunisie semble évoluer vers un système où le pouvoir présidentiel s’accroît au détriment des institutions démocratiques établies, tout en faisant face à des crises sociales et économiques qui exigent des réponses plus substantielles. Le limogeage de Hachani n’est que la dernière manifestation d’un processus de centralisation du pouvoir qui laisse peu de place aux mécanismes de gouvernance participative.