La cour d’assises de Paris a confirmé, mardi 17 décembre, la peine de réclusion à perpétuité prononcée en première instance contre Philippe Manier, ancien gendarme rwandais naturalisé français. Il a été reconnu coupable de génocide et de crimes contre l’humanité pour son rôle dans les massacres commis lors du génocide des Tutsi en 1994. Ce verdict marque une étape importante dans la lutte contre l’impunité des responsables de ce crime atroce.
Un verdict lourd de symboles
Malgré sa défense répétée d’être victime d’un « complot », Philippe Manier, 67 ans, a été jugé coupable pour la quasi-totalité des chefs d’accusation. Selon le président de la cour, il a joué un rôle clé dans l’organisation des massacres : « Vous avez été le bras zélé du du génocide par votre action déterminée mais aussi déterminante. » Sans ses actes, « les faits n’auraient pas atteint une telle ampleur », a-t-il ajouté.
À l’époque des faits, Philippe Manier était connu sous le nom de Biguma. Il aurait supervisé plusieurs massacres dans la préfecture de Butare, dans le sud du Rwanda. Parmi les crimes reprochés figurent notamment :
Le massacre de Nyabubare, le 23 avril 1994, où environ 300 personnes ont été tuées.
Le massacre de Nyamure, le 27 avril 1994, où des milliers de Tutsi avaient trouvé refuge avant d’être exterminés.
Le massacre de l’Institut des sciences agronomes du Rwanda, qui a fait des dizaines de milliers de victimes.
En outre, il aurait ordonné et supervisé l’installation de plusieurs barrages routiers, utilisés pour identifier et exécuter les civils tutsi. Ces actions, selon l’accusation, ont démontré une volonté claire de participation active et coordonnée au génocide.
Les associations de défense des victimes, comme Ibuka et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), se sont réjouies de la décision de la cour. Alain Gauthier, président du CPCR, a salué une décision qui rend justice à l’histoire. Me Mathilde Aublé, avocate d’Ibuka, a insisté sur l’importance du caractère historique de ce jugement, évoquant un verdict qui « reflète l’impact vertigineux de ces crimes sur l’humanité ».
Les avocats de Philippe Manier ont dénoncé une condamnation qu’ils jugent infondée. Ils estiment que le verdict repose sur des preuves insuffisantes et contradictoires. Me Emmanuel Altit a notamment déclaré : « Nous avons démontré qu’il n’y avait rien dans le dossier à l’exception de témoignages fabriqués. » En conséquence, la défense a annoncé son intention de se pourvoir en cassation.
Ce procès s’inscrit dans une série de jugements en France concernant des présumés responsables du génocide des Tutsi. En octobre dernier, un autre accusé, Eugène Rwamucyo, ancien médecin rwandais, a été condamné à 27 ans de réclusion criminelle pour complicité de génocide. Ce verdict montre la détermination de la justice française à juger les individus impliqués dans ces crimes, indépendamment de leur naturalisation ou de leur lieu de résidence.
Avec cette confirmation en appel, la France réaffirme son rôle dans la reconnaissance et la sanction des crimes les plus graves commis lors du génocide de 1994, qui a fait plus de 800 000 morts, selon les chiffres de l’ONU.