Friedrich Merz, chancelier et chef de la CDU, a provoqué un séisme politique en Allemagne et bien au-delà en affirmant qu’il ne fallait pas « exclure » l’éventualité d’un envoi de soldats allemands en Ukraine. Loin d’une mission de maintien de la paix, une telle décision constituerait une escalade militaire directe face à la Russie, avec des implications considérables pour l’avenir de la sécurité européenne.
Derrière cette hypothèse se dessine un changement de paradigme, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Berlin s’est toujours montré prudent, privilégiant la diplomatie et l’aide économique plutôt qu’une projection militaire directe. L’annonce de Merz rompt avec cette tradition et projette l’Allemagne dans une nouvelle ère, celle d’une puissance assumant pleinement son rôle militaire au sein de l’OTAN.
Les réactions n’ont pas tardé. Le SPD, partenaire de coalition, appelle à la retenue, rappelant que l’Allemagne a déjà franchi plusieurs lignes rouges en livrant des chars Leopard et en formant des soldats ukrainiens. Les Verts, historiquement pacifistes mais désormais partisans d’un soutien ferme à Kiev, se retrouvent divisés entre une aile réaliste, favorable à un engagement accru, et une base électorale inquiète d’une confrontation directe avec Moscou. À l’opposé, l’AfD dénonce une « folie belliciste » et avertit que l’envoi de troupes équivaudrait à « plonger l’Allemagne dans la guerre ». Die Linke, fidèle à sa ligne pacifiste, condamne également toute tentative d’escalade.
Sur la scène internationale, la déclaration de Merz est perçue comme un signal fort. À Washington, certains y voient la confirmation d’une Europe prête à assumer davantage de responsabilités stratégiques. À Paris, l’idée pourrait être saluée dans la mesure où Emmanuel Macron plaide depuis plusieurs mois pour « ne pas être faibles face à la Russie ». À Moscou en revanche, l’hypothèse est déjà brandie comme preuve d’une « guerre ouverte menée par l’OTAN ».
Ainsi, au-delà d’une simple déclaration, les mots de Merz actent une rupture : l’Allemagne n’exclut plus l’inconcevable. La perspective d’un engagement militaire direct ne relève plus de la fiction, mais d’un débat politique central, révélant toutes les tensions internes d’un pays encore marqué par son histoire et par la peur d’une guerre continentale.