L’Algérie, dans une quête désespérée pour se libérer de sa dépendance à la rente pétrolière, s’est fixé un objectif pour le moins ambitieux : atteindre 30 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures d’ici 2030. Toutefois, derrière ce chiffre spectaculaire se cache une réalité bien plus sombre, qui pourrait mener le pays à une asphyxie économique.
L’économie algérienne, irriguée depuis des décennies par les hydrocarbures, repose sur des fondations fragiles. En avril 2025, la hausse du prix du Brent à 64,76 dollars offre une bouffée d’oxygène, chaque dollar supplémentaire injectant environ 400 millions de dollars par an dans les caisses de l’État. Mais cette manne, loin de garantir la prospérité, masque une dépendance mortifère. Avec une production pétrolière stagnante à 907 000 barils par jour, l’Algérie reste à la merci des caprices du marché mondial. Une économie tributaire de ressources finies, soumise à des fluctuations imprévisibles, ne peut prétendre à une stabilité durable.
En 2023, les exportations hors hydrocarbures culminaient péniblement à 7 milliards de dollars, soit à peine 10 % des exportations totales. Atteindre l’objectif de 30 milliards en sept ans exigerait une croissance annuelle de 27 %, un exploit quasi herculéen. Les obstacles s’accumulent : une bureaucratie kafkaïenne, des infrastructures obsolètes, une corruption endémique et des secteurs industriels à bout de souffle. Si l’Algérie parvient à écouler quelques produits phares comme les engrais, le ciment ou les denrées agricoles, elle se heurte à une concurrence internationale féroce et à une demande mondiale vacillante, fragilisée par la guerre commerciale sino-américaine, qui ébranle les équilibres économiques globaux.
Le spectre d’une récession mondiale plane comme une menace supplémentaire. Les prévisions de l’Energy Information Administration (EIA) annoncent une baisse de la demande énergétique d’au moins 1 % d’ici fin 2025, un coup de massue pour une économie toujours enchaînée à ses exportations pétrolières et gazières. Cette chute, si elle se concrétise, pourrait précipiter l’effondrement de la rente qui soutient l’édifice algérien, déjà fissuré par des décennies de gestion erratique.
Sur le plan diplomatique, l’Algérie oscille dans un jeu d’équilibriste périlleux. En courtisant Pékin tout en entretenant des relations tendues avec Washington, le pays s’expose à un revers stratégique. La guerre commerciale sino-américaine, loin d’être une simple toile de fond, frappe directement les exportations algériennes, notamment dans des secteurs comme les engrais et les matériaux de construction, où la Chine constitue un débouché clé. L’augmentation des droits de douane américains, qui passeront de 18,9 % à 30 % sur certains produits algériens dès avril 2025, menace d’étrangler davantage une économie déjà à bout de souffle.
L’Afrique, souvent invoquée comme un eldorado alternatif, n’offre pas de salut. La concurrence des puissances économiques, l’absence d’infrastructures compétitives et les rivalités régionales transforment cette ambition en mirage. L’Algérie, engluée dans ses propres faiblesses, peine à s’imposer face à des économies plus agiles et mieux intégrées. Ses initiatives diplomatiques, davantage postures que stratégies, échouent à masquer l’absence d’une vision cohérente.
À l’intérieur, l’économie algérienne ploie sous le poids de réformes avortées et de projets grandioses mal exécutés. Des chantiers comme Gara Djebilet, censés incarner une nouvelle ère, risquent de rejoindre la longue liste des éléphants blancs, symboles d’une gouvernance défaillante. Le secteur informel prospère dans l’ombre d’un État incapable de moderniser ses infrastructures ou d’embrasser une transition énergétique. Chaque tentative de diversification se brise sur ces écueils, condamnant le pays à un surplace délétère.
L’objectif de 30 milliards d’exportations hors hydrocarbures, loin d’être une boussole, s’apparente à une chimère dans un monde fracturé par les sanctions, les tensions géopolitiques et un marché global impitoyable. Sans une refonte radicale de son modèle économique, l’Algérie s’enferme dans une dépendance aux hydrocarbures qui la mène droit à l’impasse.