Un tournant historique pour les Kurdes de Syrie. Réunis à Qamichli, dans le nord-est du pays, plus de 400 figures politiques kurdes syriennes ainsi que des représentants kurdes venus d’Irak et de Turquie ont adopté samedi une position commune : construire une Syrie nouvelle, démocratique, décentralisée, et respectueuse des droits de toutes ses composantes.
Organisée sous l’intitulé « Unité de la position et du rang kurdes », cette conférence vise à affirmer la place des Kurdes dans la Syrie post-Assad, après la chute du régime en décembre dernier. Soutenus par Washington, les Kurdes contrôlent aujourd’hui de vastes territoires stratégiques du nord et de l’est du pays, riches en ressources pétrolières et gazières.
À l’issue des travaux, les participants ont adopté un « projet de vision politique kurde commune », présenté comme une approche « réaliste » pour garantir une solution juste à la question kurde en Syrie. Ce projet ambitionne de fonder un État syrien unifié, mais décentralisé, qui protège les droits nationaux du peuple kurde, assure la liberté et les droits des femmes, et favorise leur participation active à toutes les sphères politiques, sociales et militaires.
Mohammad Ismaïl, responsable kurde, a décrit la déclaration finale comme « la charte fondatrice » d’une Syrie nouvelle, pluriethnique, multiconfessionnelle et multiculturelle. La conférence appelle désormais à utiliser cette vision comme base de dialogue entre les forces kurdes elles-mêmes, mais aussi avec la nouvelle administration de Damas et toutes les forces nationales syriennes.
Face aux critiques évoquant un risque de division du pays, les organisateurs ont martelé leur attachement à l’unité syrienne. « La conférence n’a pas pour objectif de diviser le pays, mais au contraire de promouvoir son unité », a affirmé Mazloum Abdi, commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), lors de l’ouverture. « Nous voulons que toutes les composantes syriennes obtiennent leurs droits dans la Constitution afin que nous puissions construire ensemble une Syrie démocratique, décentralisée et inclusive », a-t-il ajouté.
Cette approche vise aussi à répondre aux craintes des nouvelles autorités de Damas, qui ont systématiquement rejeté toute tentative de séparatisme. Pourtant, un accord signé le 11 mars entre le président Ahmad al-Chareh et Mazloum Abdi a marqué une avancée importante, en posant les bases de l’intégration progressive des institutions kurdes autonomes au sein de l’État syrien.
En dépit de ces ouvertures, les Kurdes restent profondément critiques à l’égard de la récente déclaration constitutionnelle promulguée par Damas, qui confère d’importants pouvoirs à Ahmad al-Chareh.
Badran Ciya Kurd, responsable au sein de l’administration autonome, a salué la conférence comme un « moment historique » qui permettra aux Kurdes de « jouer un rôle de premier plan dans les transformations démocratiques radicales en Syrie », soulignant l’importance de ce nouvel élan pour le dialogue national.
Pour les Kurdes de Syrie, l’heure est venue de transformer des années de luttes, de sacrifices et de marginalisation en reconnaissance politique et en participation active à la reconstruction d’un nouvel État syrien.