Ce lundi, le marché mondial du pétrole affiche une sérénité de façade, mais ce calme masque une réalité explosive : une surabondance massive de brut confrontée à une demande atone. Malgré un cessez-le-feu précaire entre l’Iran et Israël, le Brent se maintient autour de 67 dollars le baril, le WTI à 65 dollars, bien loin des pics anticipés après les secousses géopolitiques récentes. Cette accalmie est un leurre, dissimulant un marché sous haute tension, prêt à basculer dans une forte volatilité au moindre incident.
Les pays producteurs, notamment au sein de l’OPEP+, ont intensifié leur production dans le but de regagner des parts de marché. Cette hausse soutenue de l’offre, avec des exportations record en Arabie Saoudite et une production iranienne en hausse malgré les sanctions, a créé une surabondance de pétrole sur le marché mondial. L’Arabie Saoudite a atteint un record historique avec 9,6 millions de barils exportés quotidiennement, tandis que l’Iran, selon des données satellitaires, produit à son plus haut niveau depuis 2018. Les Émirats arabes unis, l’Irak et les États-Unis (avec leur industrie de schiste relancée) contribuent également à ce déluge de brut, conférant au marché une sursaturation chronique. Lors de sa prochaine réunion, l’OPEP+ devrait confirmer une nouvelle hausse de production de 411 000 barils par jour à partir d’août, poursuivant une stratégie offensive visant à consolider ses parts de marché, quitte à exercer une pression durable sur les prix.
Du côté de la demande, la croissance économique mondiale ralentit, freinant la consommation de pétrole. En Chine, l’indice PMI manufacturier à 49,7 signale une contraction persistante de l’activité industrielle. Aux États-Unis, la consommation reste atone malgré la saison estivale, tandis que le nombre de plateformes de forage a reculé de 47 unités sur un an, selon Baker Hughes. En Europe, la transition énergétique réduit également la demande en combustibles fossiles. Ces signaux macroéconomiques moroses empêchent toute dynamique haussière des prix.
Le cessez-le-feu, arraché sous forte pression internationale, a temporairement désamorcé un emballement des prix. Pourtant, le détroit d’Ormuz — passage stratégique pour près de 20 % des exportations pétrolières mondiales — demeure une zone de risque permanent. Malgré les frappes américaines ciblées sur des installations nucléaires iraniennes, les marchés affichent une étonnante résilience, anesthésiés par cette offre pléthorique qui neutralise la prime de risque géopolitique. Une étincelle dans le Golfe, un durcissement des sanctions ou une escalade diplomatique pourrait toutefois faire voler en éclats cet équilibre précaire.
Le marché est actuellement en phase de consolidation, avec Brent et WTI cantonnés dans une fourchette étroite de 65 à 70 dollars. Cette stabilité est toutefois illusoire. Une perturbation dans le détroit d’Ormuz, un revirement brutal des sanctions américaines ou une décision choc de l’OPEP+ pourrait déclencher une flambée soudaine des prix. Les acteurs financiers parient sur l’inertie, mais les risques s’accumulent : stocks élevés, tensions géopolitiques latentes, incertitudes économiques persistantes.
Le monde nage dans une abondance de pétrole, mais cette profusion masque une fragilité sous-jacente. Entre moteurs économiques en berne, carburants géopolitiques prêts à s’enflammer, et leviers monétaires incertains, la prudence s’impose. Pour les acteurs de la mobilité, les gestionnaires de flottes, les distributeurs de carburant et les investisseurs, le marché pétrolier, sous son calme apparent, est une bombe à retardement. Un faux pas pourrait transformer cette accalmie illusoire en tempête planétaire.