DHAKA, 11 mai 2025 — Le gouvernement intérimaire du Bangladesh, dirigé par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, a franchi un cap historique et controversé en interdisant, samedi soir, toutes les activités de la Ligue Awami, l’ancien parti au pouvoir de l’ex-première ministre Sheikh Hasina, renversée en 2024 à la suite d’un soulèvement populaire massif.
« Cette décision vise à garantir la sécurité et la souveraineté nationales », a déclaré Asif Nazrul, conseiller juridique du gouvernement, à l’issue d’une réunion extraordinaire du cabinet, convoquée d’urgence dans un climat de tension croissante.
S’appuyant sur la loi antiterroriste du pays, le gouvernement a justifié cette mesure par la nécessité de protéger les témoins et plaignants dans le cadre d’un procès spécial en cours, concernant la mort de plus de 1 400 personnes, majoritairement des étudiants, lors des manifestations anti-Hasina de juillet-août 2024.
Les dirigeants de la Ligue Awami, y compris Hasina elle-même, sont formellement inculpés de meurtres, et leur procès, placé sous la responsabilité du Tribunal pénal international, est toujours en cours. Le gouvernement a précisé que l’interdiction resterait en vigueur jusqu’à l’achèvement de la procédure judiciaire.
La chute de Hasina, exilée en Inde depuis le 5 août 2024, a été suivie par une vague de colère et de revendications populaires. L’occupation de sa résidence officielle à Dhaka par des manifestants symbolise la profondeur du rejet populaire après 15 années d’un pouvoir jugé autoritaire et opaque.
Selon un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme publié en février, jusqu’à 1 400 personnes auraient été tuées lors de la répression des manifestations. La communauté internationale observe avec une attention croissante les développements politiques au Bangladesh, entre espoir de transition démocratique et inquiétude face à une éventuelle chasse aux sorcières.
Depuis son éviction en août 2024, Sheikh Hasina vit en exil en Inde. Plusieurs chefs de file de la Ligue Awami ont été arrêtés ou sont sous le coup de mandats d’arrêt. La décision d’interdiction intervient également après une forte mobilisation populaire. Le 9 mai, des milliers de manifestants ont encerclé la State Guest House Jamuna, résidence officielle du chef de gouvernement par intérim, exigeant l’interdiction du parti. Parmi eux, de nombreux membres de partis étudiants, y compris ceux issus du Jamaat-e-Islami, ont apporté leur soutien actif.
La réaction du camp Hasina se fait encore attendre, mais l’opposition politique s’organise déjà. Nahid Islam, cheffe du Parti national des citoyens, a salué la mesure comme une « victoire pour la justice et la mémoire des victimes du régime Hasina ».
La rupture est donc actée. Le gouvernement Yunus, installé en urgence après l’effondrement du régime précédent, semble vouloir imposer une refondation complète du paysage politique, en donnant la priorité à la reddition des comptes et à la stabilité nationale. Reste à voir si cette transition tiendra ses promesses démocratiques sans tomber dans l’autoritarisme inversé.