Dans un climat déjà alourdi par des tensions persistantes, l’Algérie a franchi un nouveau cap dans sa politique étrangère conflictuelle en procédant à l’expulsion de quinze membres du personnel de l’ambassade de France à Alger. Une décision brutale, qualifiée d’« incompréhensible » par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui y voit une escalade délibérée, relevant d’une stratégie d’agressivité diplomatique programmée.
Selon les autorités algériennes, les diplomates visés ne disposaient pas des autorisations requises pour exercer sur le territoire national, une justification que Paris rejette en bloc. « Il s’agit d’agents en mission temporaire, détenteurs de passeports diplomatiques. Leur expulsion est injustifiée et injustifiable », a réagi Jean-Noël Barrot lors d’une conférence de presse. Et d’ajouter : « Nous répondrons fermement et proportionnellement. »
Cette décision, qui intervient à peine un mois après une série de mesures similaires – déjà marquées par des renvois croisés de diplomates – s’inscrit dans une spirale de détérioration accélérée des relations bilatérales. L’Algérie semble désormais faire du bras de fer avec la France un axe central de sa posture internationale, au nom d’une souveraineté qu’elle proclame « bafouée », mais que certains observateurs qualifient plutôt de prétexte commode pour détourner l’attention des crispations internes.
Le concept d’une « diplomatie de l’agressivité programmée », de plus en plus évoqué dans les cercles diplomatiques européens, désigne cette politique de confrontation systématique qu’Alger adopte face à ses partenaires traditionnels. Elle repose sur une rhétorique de la victimisation souverainiste et une multiplication d’actes hostiles soigneusement mis en scène : expulsions, rappels d’ambassadeurs, accusations unilatérales, voire campagnes médiatiques.
À Paris, la consternation est palpable, mais la ligne de fermeté semble désormais assumée. La France a déjà procédé à l’expulsion de plusieurs diplomates algériens en avril, en réponse à des mesures identiques de la part d’Alger. La crise s’alimente d’un cycle de représailles mutuelles, chaque camp affirmant défendre sa dignité nationale, pendant que les passerelles diplomatiques se réduisent à peau de chagrin.
En Algérie, cette politique du coup de menton diplomatique séduit certains cercles proches du pouvoir, en quête d’un nationalisme réaffirmé face à ce qu’ils perçoivent comme des ingérences étrangères. Mais elle inquiète aussi une partie de l’élite diplomatique traditionnelle, de plus en plus marginalisée, qui craint que le pays ne s’isole durablement, au détriment de ses intérêts économiques, sécuritaires et stratégiques.
…La dernière expulsion n’est peut-être qu’un épisode de plus dans une dérive inquiétante, où le réflexe de confrontation l’emporte sur la recherche de solutions diplomatiques durables. En prétendant défendre une souveraineté « blessée », Alger se ferme progressivement aux équilibres régionaux et internationaux qui nécessitent dialogue, concertation et stabilité.
Car au-delà du face-à-face avec Paris, c’est l’image globale de la diplomatie algérienne qui se dégrade. Cette posture d’agressivité calculée, présentée comme une riposte légitime, prend les allures d’un isolement orchestré. L’Algérie, autrefois médiatrice dans les conflits sahéliens, acteur pivot entre l’Europe et l’Afrique, donne aujourd’hui le spectacle d’une puissance régionale repliée sur elle-même, agissant par réflexe défensif plutôt que par vision stratégique.
Et pendant que les expulsions s’enchaînent, les défis internes – crise économique rampante, exode des jeunes, pressions sociales croissantes – continuent de miner la stabilité intérieure. La diplomatie devient alors, pour le régime, un théâtre de diversion, un champ de bataille symbolique où l’on rejoue les douleurs historiques pour masquer l’échec du présent.
Loin d’apaiser les tensions, cette diplomatie du coup d’éclat risque de saper ce qu’il reste de confiance entre Alger et ses partenaires. Car dans un monde interdépendant, la souveraineté ne se mesure pas à la capacité d’expulser des diplomates, mais à celle de peser avec responsabilité dans les affaires du monde. Et sur ce terrain, l’Algérie semble avoir choisi le bruit au lieu du sens.