Le 23 juin 2025, le président de transition malien Assimi Goïta a été reçu avec tous les honneurs au Kremlin par son homologue russe, Vladimir Poutine. Officiellement, cette visite vise à « renforcer les relations de confiance mutuelle » entre le Mali et la Russie, selon les mots mêmes du dirigeant russe. Poutine a salué des relations diplomatiques établies il y a 65 ans et a évoqué une coopération « dans tous les domaines », tout en admettant que les échanges commerciaux restaient « très limités », mais porteurs d’« une bonne tendance à la croissance ». Une rhétorique de continuité et d’amitié, qui masque cependant des enjeux bien plus complexes.
Car derrière les sourires diplomatiques et les déclarations de bonne entente, cette visite illustre surtout une alliance de circonstance, forgée dans un contexte géopolitique tendu et instable. Pour Moscou, la présence malienne est une opportunité : elle permet à la Russie de consolider son influence en Afrique de l’Ouest en se positionnant comme une alternative crédible aux puissances occidentales, notamment la France, dont le retrait militaire du Mali a laissé un vide stratégique. L’instabilité du Sahel devient ainsi un levier d’expansion, et le Mali une vitrine pour une politique étrangère russe tournée vers le Sud global.
Pour Assimi Goïta, cette visite est tout aussi politique. Elle sert à renforcer la légitimité de son régime de transition, contesté sur le plan international, en affichant une autonomie diplomatique et une capacité à diversifier ses alliances. Mais ce choix s’accompagne de risques majeurs : l’approfondissement des liens sécuritaires avec la Russie — notamment à travers le recours à des entités controversées comme le groupe Wagner — pourrait accroître la dépendance militaire du Mali, réduire ses marges de manœuvre diplomatiques et aggraver son isolement sur la scène internationale.
Quant aux promesses économiques évoquées par les deux dirigeants, elles demeurent vagues, non chiffrées et sans calendrier clair. Elles peinent à convaincre, face à l’urgence sociale et économique que traverse le Mali : chômage massif, crise alimentaire, faiblesse des infrastructures, et pression démographique croissante. Le peuple malien, qui aspire à la stabilité, au développement inclusif et à une gouvernance démocratique crédible, risque une nouvelle fois d’être relégué au second plan d’un agenda bilatéral dominé par des considérations sécuritaires et de pouvoir.
En définitive, cette visite à Moscou, bien qu’elle projette l’image d’un partenariat renforcé, semble avant tout servir des intérêts immédiats et convergents : pour Poutine, renforcer sa stature de puissance alternative ; pour Goïta, légitimer un pouvoir militaire en quête de reconnaissance. Mais à long terme, cette logique d’alliance opportuniste pourrait s’avérer contre-productive, si elle ne s’accompagne pas d’une vision claire et durable pour le développement et la souveraineté réelle du Mali.