Un verdict glaçant pour la liberté de la presse. Le journaliste français Christophe Gleizes, collaborateur des magazines So Foot et Society, a été condamné ce dimanche à sept ans de prison ferme par le tribunal de Tizi Ouzou. Son crime ? Avoir enquêté sur l’histoire du football kabyle. Son erreur ? Avoir posé des questions, dans une région où le simple mot « autodétermination » suffit à vous faire passer pour terroriste.
Arrêté le 28 mai 2024 alors qu’il effectuait un reportage sur la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), club emblématique du football algérien, Gleizes a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. Depuis plus d’un an, il attendait son procès, privé de liberté pour avoir, selon les autorités, entretenu des « contacts » avec un dirigeant du MAK — le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, classé comme organisation terroriste par Alger en 2021.
Les faits reprochés remontent à 2015 et 2017, soit bien avant le classement du MAK comme organisation terroriste. Ces échanges, de nature professionnelle, concernaient la JSK et les récits du football local, thème central de ses recherches journalistiques. Aucun acte de soutien politique, aucune publication subversive n’a été démontrée.
Pourtant, le tribunal a prononcé une peine lourde : sept années de réclusion criminelle pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications à caractère propagandiste nuisant à l’intérêt national ». Une décision jugée « injustifiable et effrayante » par Reporters Sans Frontières.
Peu après l’annonce du verdict, RSF et la rédaction de So Foot ont lancé une campagne de soutien sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #FreeGleizes, appelant à une mobilisation immédiate pour obtenir sa libération « immédiate et inconditionnelle ». Le communiqué rappelle que Gleizes n’est ni militant, ni activiste, mais un journaliste sportif indépendant, reconnu pour ses enquêtes sur le football africain.
L’affaire révolte la profession. Car si Gleizes a pu être emprisonné pour avoir travaillé sur un club local dans une région politiquement sensible, c’est toute la presse étrangère qui est désormais menacée en Algérie. Le précédent est dangereux. Le message est clair : toute investigation menée en dehors des récits officiels pourra être criminalisée.
Face à ce verdict, les autorités françaises n’ont, pour l’heure, émis aucune déclaration publique. Un mutisme qui contraste avec la gravité de l’affaire et interroge sur la frilosité de Paris à défendre ses ressortissants, surtout lorsqu’ils sont journalistes. Christophe Gleizes compte faire appel dès ce lundi, mais le combat pour sa liberté ne pourra être gagné sans pression internationale.
Avec cette condamnation, la justice algérienne confond délibérément journalisme et subversion, et poursuit sa dérive vers une criminalisation systématique de la presse. Ce cas vient s’ajouter à une série de procès inquiétants visant des journalistes, des blogueurs ou des militants accusés d’atteinte à la sûreté de l’État.
Christophe Gleizes paie aujourd’hui le prix d’un reportage sur un club de football. Un fait banal dans n’importe quel pays libre. Mais en Algérie, cela devient un délit d’opinion. Un crime de curiosité.