Lomé, 17 juillet 2025 – C’est dans un climat explosif que les Togolais ont été appelés aux urnes pour élire leurs représentants dans les 117 municipalités du pays. Ce scrutin local, le premier depuis l’instauration controversée d’un régime parlementaire, s’est tenu dans une atmosphère de défiance généralisée, marquée par une colère populaire grandissante, un boycott massif, et une répression brutale. Plus qu’une simple consultation locale, ces élections révèlent l’ampleur du rejet d’un pouvoir accusé de confisquer la démocratie depuis plus d’un demi-siècle.
Le contexte est incandescent : l’arrestation, en juin, du rappeur et activiste Aamron, figure de proue du mouvement M66, pour avoir appelé à manifester à l’occasion de l’anniversaire du président Faure Gnassingbé, a mis le feu aux poudres. Dans la foulée, des manifestations massives ont été violemment réprimées. Selon Amnesty International et la FIDH, les forces de sécurité ont fait preuve d’une brutalité extrême : arrestations arbitraires, tortures, pillages et assassinats ciblés. Sept corps sans vie, dont celui d’un adolescent de 15 ans, ont été retrouvés dans les lacs de Lomé.
Ce climat de terreur a profondément entaché la crédibilité du scrutin. À Lomé comme dans d’autres villes, de nombreux bureaux de vote sont restés vides. Les électeurs ont exprimé leur rejet d’un processus électoral perçu comme verrouillé au profit du parti présidentiel, l’Union pour la République (UNIR), dominant sans partage le Parlement depuis les élections controversées de 2024.
L’amendement constitutionnel adopté en avril 2024 – supprimant la présidence exécutive au profit d’un régime parlementaire contrôlé par Gnassingbé – a été vécu comme un véritable « coup d’État institutionnel ». En mai 2025, le chef de l’État a prêté serment en tant que président du Conseil des ministres, conservant la réalité du pouvoir, tandis qu’un président symbolique, Jean-Lucien Savy de Touvier, âgé de 86 ans, était nommé chef de l’État. Pour l’opposition, cette manœuvre n’a d’autre but que de contourner la limitation des mandats et de pérenniser une dynastie au pouvoir depuis 1967.
Face à cette dérive autoritaire, une jeunesse mobilisée et ultra-connectée se dresse. Malgré les menaces, le mouvement M66 et d’autres collectifs citoyens multiplient les actions et les appels à la désobéissance civile. Sur les réseaux sociaux, les mots-dièse « #TogoDebout » et « #Basta » témoignent d’un ras-le-bol généralisé. La rue gronde, la peur recule.
Pourtant, l’opposition demeure divisée. Tandis que certains partis, comme l’ANC, prônent une participation stratégique pour exister politiquement, d’autres dénoncent toute implication dans ce qu’ils considèrent comme une mascarade électorale. Cette désunion fragilise les chances d’un front uni contre le régime.
Ces municipales, bien qu’ordinairement marginales dans l’agenda politique, prennent aujourd’hui une dimension cruciale. Elles sont devenues un baromètre du rapport de force entre un pouvoir qui s’accroche et une société civile en ébullition. La faible participation et le rejet massif du scrutin pourraient alimenter davantage la contestation, au risque d’un embrasement national.
Le Togo se trouve à la croisée des chemins. Faure Gnassingbé continue de régner, mais son autorité vacille face à une population de plus en plus déterminée à tourner la page. Le scrutin du 17 juillet pourrait bien être le point de bascule d’un soulèvement populaire plus large.