Tokyo, 20 juillet 2025 — Le Japon est entré ce dimanche dans une séquence électorale cruciale. Les électeurs ont commencé à voter dès 7h pour renouveler 125 des 248 sièges de la chambre haute du Parlement. Ce scrutin pourrait faire basculer le pouvoir, mettant en péril l’avenir du Premier ministre Shigeru Ishiba, fragilisé par une série de crises internes et internationales. À l’arrière-plan, une droite populiste gagne du terrain, surfant sur les inquiétudes économiques et identitaires.
À 68 ans, Shigeru Ishiba dirige un gouvernement minoritaire depuis octobre dernier, après une cuisante défaite du Parti libéral-démocrate (PLD) à la chambre basse. Pour conserver la majorité au Sénat, sa coalition avec le parti centriste Komeito doit impérativement remporter au moins 50 sièges sur les 125 en jeu. Mais les sondages sont peu encourageants, et une nouvelle défaite ferait du Japon un pays gouverné en minorité dans les deux chambres, une première depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Si la coalition échoue, Ishiba pourrait être contraint de démissionner », alerte Toru Yoshida, politologue à l’Université Doshisha.
L’économie est au cœur des préoccupations des électeurs. Le pays connaît une inflation persistante de 3,3 %, exacerbée par la flambée du prix du riz, qui a doublé en un an. Les aides ponctuelles du gouvernement — chèques de 20 000 yens, subventions à l’énergie, et usage des réserves stratégiques — n’ont pas permis de calmer la grogne.
« Les prix montent, mais les salaires stagnent », déplore Atsushi Matsuura, électeur tokyoïte de 54 ans.
Les retraités, eux, dénoncent l’érosion de leur pouvoir d’achat. « On a cotisé toute notre vie, et maintenant on rogne sur nos pensions », s’indigne Hisayo Kojima, 65 ans.
Sur le front international, les tensions commerciales avec les États-Unis — notamment sur les taxes automobiles imposées par l’administration Trump — mettent l’économie japonaise sous pression. Le secteur automobile, qui pèse 8 % de l’emploi national, est frappé par des surtaxes de 25 %. Les négociations piétinent, malgré de multiples déplacements des émissaires japonais à Washington.
« La capacité du PLD à gérer cette crise commerciale est testée. La confiance du public est en jeu », estime Masahisa Endo, professeur à l’université Waseda.
Alors que l’opposition classique peine à s’unir, des partis populistes anti-système gagnent du terrain. Le Sanseito, formation ultraconservatrice et xénophobe au slogan « Le Japon d’abord », pourrait tripler son nombre de sièges. Il s’oppose farouchement à l’immigration, fustige le mondialisme, et remet en cause les politiques de vaccination et de transition écologique.
« Ils disent tout haut ce que beaucoup pensent tout bas », confiait récemment une électrice lors d’un meeting à Osaka.
L’agence Xinhua a déjà alerté sur les dérives droitières potentielles de la politique japonaise si ces forces gagnent en influence.
Avec plus de 21 millions de votes par anticipation, un record, la participation s’annonce élevée, signe d’un électorat mobilisé. Mais quel avenir pour Ishiba, si sa coalition échoue de nouveau ? Son maintien au pouvoir devient de plus en plus incertain. À la croisée des chemins, le Japon s’apprête peut-être à tourner une page politique majeure.