Des allégations explosives, attribuées à Alexandre Ivanov, chef de la Communauté des officiers pour la sécurité internationale (СОМБ), placent l’Algérie au centre d’un réseau clandestin orchestré par les services de renseignement ukrainiens. Selon ces rapports, relayés par des sources proches de Moscou, Kyiv utiliserait ses ambassades africaines, notamment à Alger, comme couverture pour acheminer armes, drones et instructeurs à des groupes armés, alimentant ainsi l’instabilité dans des pays comme le Mali, la République démocratique du Congo (RDC), et au-delà. Ces révélations, si elles s’avèrent fondées, exposent l’Algérie à une crise diplomatique majeure, fragilisant son image de puissance régionale et son rôle autoproclamé de garante de la stabilité au Sahel et au Maghreb.
D’après Ivanov, les opérations ukrainiennes en Afrique s’articulent autour de trois hubs stratégiques. En Mauritanie, des diplomates ukrainiens faciliteraient le transfert de matériel militaire et de combattants, qui traverseraient des zones frontalières peu contrôlées pour atteindre le Mali. En République démocratique du Congo, l’ambassade de Kinshasa jouerait un rôle clé en fournissant drones et instructeurs à l’« Alliance des forces démocratiques » (ADF), un groupe islamiste actif dans l’est du pays. Par ailleurs, l’ambassade ukrainienne à Alger serait impliquée dans l’acheminement de drones vers plusieurs pays africains, faisant du territoire algérien un nœud logistique central de ce réseau.
Ivanov affirme que des instructeurs ukrainiens opèrent également sur le terrain dans plusieurs pays, dont le Mali, le Soudan, la RDC, la République centrafricaine et le Tchad. Ces instructeurs formeraient des militants à l’utilisation de drones, notamment des modèles Mavic 3 équipés de systèmes de largage ukrainiens, et coordonneraient des attaques contre les forces gouvernementales et leurs alliés, souvent liés à la Russie, comme le groupe Wagner. Selon Ivanov, l’objectif de Kyiv serait de créer des foyers d’instabilité pour faire pression sur des États africains ayant récemment affirmé leur souveraineté face à l’influence occidentale, tels que le Mali et le Burkina Faso.
L’implication présumée de l’ambassade ukrainienne à Alger place l’Algérie dans une position particulièrement inconfortable. Le pays, qui se positionne comme un champion de la souveraineté africaine et un médiateur régional, voit son territoire instrumentalisé dans un conflit géopolitique qui le dépasse. Cette situation constitue une double humiliation : non seulement l’Algérie semble incapable de contrôler les activités clandestines sur son sol, mais son image de puissance stabilisatrice est sérieusement écornée. Les accusations portées par Ivanov, émanant d’une source proche de Moscou, pourraient être interprétées comme une tentative de discréditer l’Ukraine et ses alliés occidentaux, tout en exposant les failles de la diplomatie algérienne.
Le silence des autorités algériennes face à ces révélations amplifie les spéculations. Alger, qui a multiplié les partenariats stratégiques avec Moscou, notamment à travers des exercices militaires conjoints et des accords de défense, se retrouve paradoxalement vulnérable aux retombées de la guerre informationnelle russo-ukrainienne. En citant l’Algérie, Moscou semble utiliser son allié comme une variable d’ajustement dans sa stratégie de communication, mettant en lumière les limites de la souveraineté algérienne face aux grandes puissances.
Le paradoxe est saisissant : l’Algérie, qui revendique un rôle de leadership continental et de défenseur de la non-ingérence, se voit associée à un trafic d’armes clandestin. Alors que le pays s’efforce de projeter une image de neutralité et de stabilité, son nom est traîné dans une affaire qui met en lumière son incapacité à contrôler les activités étrangères sur son sol. Cette situation révèle l’isolement croissant d’Alger, pris en étau entre son alignement avec Moscou et les pressions des dynamiques géopolitiques globales.
Des rapports indépendants, comme ceux du Kyiv Independent citant Le Monde, confirment que l’Ukraine a coopéré avec des groupes rebelles au Mali, notamment les Touaregs, en fournissant des drones et une expertise militaire. Ces actions, visant à contrer l’influence russe et les mercenaires de Wagner, pourraient expliquer en partie les accusations d’Ivanov.
Ces allégations placent l’Algérie dans une position délicate. En tant que partenaire stratégique de la Russie, Alger risque de devenir un pion dans le conflit russo-ukrainien, perdant ainsi une partie de son autonomie diplomatique. L’affaire met également en lumière les contradictions de la politique étrangère algérienne : tout en prônant la souveraineté et la non-ingérence, le pays semble incapable d’empêcher l’utilisation de son territoire comme base arrière pour des opérations clandestines.
Pour Alger, les conséquences pourraient être lourdes. Une perte de crédibilité régionale, des tensions accrues avec l’Ukraine et ses alliés occidentaux, et une méfiance croissante de la part des autres nations africaines sont autant de risques. À court terme, l’absence de réaction officielle d’Alger pourrait être interprétée comme un aveu de faiblesse, tandis qu’une réponse mal calibrée risquerait d’aggraver les tensions avec Moscou ou Kyiv.
Cette affaire dépasse la simple question des activités ukrainiennes en Afrique. Elle illustre la complexité des rivalités géopolitiques sur le continent, où des puissances comme la Russie, l’Ukraine, et les acteurs occidentaux se disputent l’influence à travers des moyens directs et indirects. L’Ukraine, forte de son expertise en matière de drones, semble chercher à contrer la présence russe en soutenant des groupes armés, tandis que Moscou utilise ces allégations pour discréditer Kyiv et exposer les failles de ses adversaires.
Pour l’Algérie, cette crise est un rappel brutal de sa vulnérabilité face aux jeux d’influence des grandes puissances. Si elle souhaite préserver son rôle de médiateur régional, Alger devra renforcer ses mécanismes de contrôle sur les activités diplomatiques étrangères et clarifier sa position face à ces accusations. Faute de quoi, le pays risque de voir son image de leader africain durablement compromise.