Aux Philippines, la colère monte face à un scandale de corruption qui dépasse les simples détournements financiers. Entre digues inachevées, inondations destructrices et enfants de politiciens exhibant des vies luxueuses sur les réseaux sociaux, la population exprime son exaspération et sa frustration de toutes parts.
Pour des millions de Philippins, la vie quotidienne se déroule désormais sur l’eau. Crissa Tolentino, enseignante de 36 ans à Apalit, près de Manille, traverse chaque jour les rues inondées en pédalo pour se rendre au travail ou à la clinique où elle est soignée pour un cancer. Cette année, elle confie ressentir une colère particulière. « Je me sens trahie. Je travaille dur, je paie mes impôts et j’apprends que nos milliards profitent à des politiciens corrompus », déplore-t-elle.
Le scandale autour des digues « fantômes » illustre cette trahison. À Bulacan, la digue de Plaridel, censée protéger les habitants des inondations, n’est en réalité qu’un tas de terre mal disposé. Le ministre des Travaux publics, Vince Dizon, a révélé que les 100 millions de pesos alloués au projet avaient été détournés, entraînant le licenciement d’un ingénieur et de deux responsables. Ces infrastructures déficientes aggravent les inondations, exposant les familles aux maladies comme la leptospirose et aux dégâts matériels.
À cela s’ajoute la colère contre les « bébés NEPO » : enfants de politiciens ou de riches entrepreneurs qui affichent sur les réseaux sociaux un mode de vie extravagant financé, selon les citoyens, par l’argent public. Le couple Discaya, par exemple, a suscité une indignation massive après avoir exposé sa collection de voitures de luxe et ses vidéos de réussite sociale. Les manifestations et les tags sur leurs bureaux reflètent une exaspération qui dépasse le cadre financier : il s’agit d’un rejet du privilège et de l’impunité.
Cette colère populaire se traduit dans la rue et sur les réseaux sociaux, avec des vidéos et des images virales dénonçant les législateurs corrompus, souvent représentés sous forme de crocodiles, symboles de cupidité. Le président Ferdinand « Bongbong » Marcos Jr. a reconnu l’ampleur du problème, annonçant des enquêtes pour « démasquer les escrocs et déterminer le montant des détournements » tout en exhortant les citoyens à manifester pacifiquement.
Une grande manifestation anti-corruption, la “Marche du Billion de Pesos”, est prévue le 21 septembre, coïncidant avec le 53e anniversaire de la déclaration de la loi martiale par Ferdinand Marcos Sr., une date symbolique rappelant l’histoire des abus et des détournements de l’État.
Face à cette tempête de scandales et d’inondations, les Philippins espèrent une utilisation plus honnête des fonds publics et la mise en place d’infrastructures efficaces. Comme le souligne Rhens Rafael Galang, résident de Calumpit : « Nous vivons avec l’eau jusqu’aux genoux, mais j’ai bon espoir qu’un jour, les projets de lutte contre les inondations seront réalisés correctement et honnêtement. »
Les Philippines font face à un défi majeur, reconstruire la confiance des citoyens, protéger les vies et les biens contre les catastrophes naturelles, tout en mettant fin à l’impunité des élites politiques et économiques.