Antananarivo, 11 octobre 2025 – Dans un geste sans précédent, des soldats du Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (Capsat), basés à Soanierana, ont refusé d’obéir aux ordres de tirer sur les manifestants et ont rejoint les milliers de citoyens rassemblés dans les rues d’Antananarivo. « Ne tirez pas sur nos frères et sœurs ! », ont proclamé les militaires, acclamés par une foule qui vibrait d’émotion et de soulagement. Ce moment marque un tournant majeur dans la crise politique et sociale qui secoue Madagascar depuis le 25 septembre.
Le mouvement a débuté comme une révolte de la génération Z contre les coupures récurrentes d’eau et d’électricité, mais il s’est rapidement transformé en une contestation nationale plus large, dénonçant la corruption, le pillage des ressources publiques et la répression brutale exercée par le président Andry Rajoelina. La jeunesse, particulièrement mobilisée, est devenue le moteur de cette contestation, transformant des frustrations sociales en revendications politiques structurées.
Ce samedi, les manifestations ont atteint une intensité inédite. Malgré les gaz lacrymogènes, les grenades assourdissantes et la violence sporadique des forces de l’ordre, la mobilisation s’est amplifiée. Selon les Nations unies, 22 personnes ont déjà perdu la vie depuis le début des manifestations, et des dizaines d’autres ont été blessées. Le président Rajoelina, pour sa part, minimise ces chiffres, affirmant que les victimes sont « des pilleurs et des casseurs ».
La défection du Capsat n’est pas un hasard. Cette même base militaire avait joué un rôle décisif en 2009, lors de la mutinerie qui avait conduit à la chute du président Marc Ravalomanana et à l’accession de Rajoelina au pouvoir. Aujourd’hui, en refusant d’obéir aux ordres, les soldats envoient un message clair : la loyauté de l’armée envers le pouvoir est fracturée, et le peuple n’est plus seul dans sa contestation.
Dans une vidéo largement diffusée, les militaires ont appelé leurs camarades à refuser toute action illégitime et à protéger les citoyens. Certains ont même demandé de bloquer les décollages à l’aéroport international d’Ivato, par crainte d’une fuite des responsables gouvernementaux. Les images de soldats marchant côte à côte avec les manifestants, levant les bras en signe de solidarité, resteront gravées dans l’histoire du pays.
Le ministre des Armées, Deramasinjaka Manantsoa Rakotoarivelo, a lancé un appel au calme et au dialogue, soulignant que l’armée reste « la dernière ligne de défense de la nation ». Mais la rue ne faiblit pas. Les chants, les slogans et la détermination des manifestants témoignent d’une volonté de changement profonde, alimentée par des mois de frustration et d’injustice.
Pour les observateurs, ce soulèvement dépasse désormais la contestation sociale , il pourrait redessiner le paysage politique malgache et ouvrir une crise majeure comparable à celle de 2009