Alors que le prix du Brent chute sous les 66 dollars, mettant à mal les équilibres budgétaires de l’État, l’Algérie intensifie ses efforts diplomatiques pour diversifier ses partenaires économiques. Ce lundi, le président du Conseil algérien pour le renouveau économique (CREA), Kamel Moula, a accueilli à Alger l’ambassadeur du Brésil, Marcos Vinícius Pinta Gama, pour discuter du renforcement des relations économiques bilatérales.
Cette rencontre, présentée comme stratégique, intervient dans un contexte de fortes turbulences économiques internes. La loi de finances 2025, construite sur une hypothèse de prix du baril à plus de 70 dollars, est aujourd’hui sérieusement mise en péril. Le recul des recettes pétrolières creuse un déficit budgétaire préoccupant, érode les réserves de change et ranime le spectre d’un endettement extérieur que le gouvernement avait jusque-là évité.
Malgré les discours récurrents sur la diversification économique, l’Algérie reste fortement dépendante de ses exportations d’hydrocarbures. Les premiers effets de la chute des prix du pétrole se font sentir : gel ou ralentissement de projets publics, tensions sur les salaires des fonctionnaires, et inquiétudes croissantes sur le front social, alors que le chômage des jeunes dépasse les 30 %.
Le dinar, quant à lui, fait face à de nouvelles pressions, ce qui pourrait accentuer l’inflation et fragiliser davantage le pouvoir d’achat des ménages.
C’est dans ce contexte que la rencontre entre Kamel Moula et l’ambassadeur du Brésil prend tout son relief. Présentée comme une volonté partagée de bâtir des partenariats « innovants » et « mutuellement bénéfiques », la réunion a abouti à la planification de plusieurs rencontres B2B entre entreprises algériennes et brésiliennes du 24 au 26 mai, ainsi qu’à la préparation d’un grand Forum d’affaires algéro-brésilien.
« Les échanges d’aujourd’hui démontrent la volonté commune de l’Algérie et du Brésil de consolider une relation économique dynamique », a affirmé Kamel Moula. De son côté, l’ambassadeur Pinta Gama a invité officiellement les chefs d’entreprise algériens à participer à ces échanges, soulignant le potentiel d’un rapprochement Sud-Sud entre deux économies complémentaires.
Pourtant, ces annonces soulèvent aussi des interrogations. L’Algérie a déjà multiplié par le passé des initiatives similaires — avec la Turquie, la Russie, l’Afrique du Sud ou encore l’Allemagne — sans résultats concrets à long terme. Le partenariat agricole avec la Turquie, vanté en 2022, n’a jamais été concrétisé. En 2023, les échanges commerciaux avec le Brésil ont atteint environ 1,5 milliard de dollars, mais sont restés très déséquilibrés, avec peu de projets d’investissement structurants du côté brésilien.
Les causes sont connues : bureaucratie pesante, instabilité réglementaire, faible compétitivité locale. Tant que ces obstacles structurels ne seront pas levés, les grandes annonces de forums ou de rencontres économiques risquent de rester sans lendemain.
Dans un contexte de crise budgétaire latente et de dépendance persistante au pétrole, l’Algérie se trouve à la croisée des chemins. Soit elle parvient à engager des réformes de fond et à créer un climat réellement propice aux investissements étrangers, soit elle continuera de multiplier des partenariats diplomatiques sans retombées économiques significatives.
Le forum algéro-brésilien annoncé pour les semaines à venir sera donc un test : s’agit-il d’un tournant réel ou d’un énième effet d’annonce dans le vide ? Pour nombre d’acteurs économiques, la réponse dépendra moins des discours que de la capacité du pays à réformer son environnement des affaires et à rassurer durablement les investisseurs.