Les cours du pétrole ont affiché une légère progression ce lundi, dopés par la vigueur persistante de l’activité manufacturière en Asie, particulièrement en Inde, et par une relative stabilité de la production industrielle chinoise. Les investisseurs surveillent de près le sommet trilatéral à Pékin entre les présidents chinois Xi Jinping, russe Vladimir Poutine et indien Narendra Modi, qui renforce les liens énergétiques entre ces puissances, tandis que les tensions russo-ukrainiennes continuent de perturber les flux d’exportations russes. Parallèlement, les États-Unis exercent une pression accrue sur l’Inde via des tarifs douaniers punitifs, accusant New Delhi de financer indirectement la guerre en Ukraine par ses achats massifs de brut russe.
Vers 10h10 GMT le baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en novembre – premier jour comme contrat de référence –, a grimpé de 0,87 % à 68,07 dollars. Le West Texas Intermediate (WTI) américain, pour livraison en octobre, a avancé de 1,00 % à 64,65 dollars.
En Chine, l’indice PMI officiel manufacturier s’est légèrement amélioré à 49,4 points en août, marquant le cinquième mois consécutif de contraction mais atténuant le signal négatif de juillet (49,3 points). Arne Lohmann Rasmussen, analyste chez Global Risk Management, note que cette résilience relative, malgré un ralentissement économique plus large, soutient la demande pétrolière asiatique. Cependant, une analyse macroéconomique révèle des vulnérabilités : la croissance chinoise reste freinée par des tensions commerciales mondiales et une consommation intérieure molle, limitant l’impact positif sur les prix du pétrole à court terme.
Au-delà des indicateurs économiques, les cours sont soutenus par l’escalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine. Les frappes aériennes mutuelles, visant notamment les infrastructures énergétiques, ont réduit les expéditions de pétrole russe à 2,72 millions de barils par jour – leur plus bas niveau en quatre semaines, selon les données d’ANZ. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promis de nouvelles attaques en profondeur sur le territoire russe en riposte aux assauts contre les infrastructures électriques ukrainiennes, alimentant les craintes sur la sécurité des terminaux d’exportation russes.
Géopolitiquement, ces perturbations s’inscrivent dans un contexte plus large , la Russie reste le premier fournisseur de brut indien malgré les pressions américaines. En juillet, la Russie représentait 31,4 % des importations indiennes de brut, valorisées à 3,6 milliards de dollars, loin devant l’Irak (17,1 %) et l’Arabie saoudite (16,1 %). L’administration Trump a imposé des tarifs de 50 % sur les biens indiens depuis le 27 août, dont 25 % explicitement liés aux achats de pétrole russe, qualifiés d' »opportunistes et corrosifs pour les efforts mondiaux d’isolement de l’économie de guerre de Poutine » par le conseiller commercial Peter Navarro. Cette mesure, qui pourrait réduire les exportations indiennes vers les États-Unis de 37 milliards de dollars annuels, n’a pas encore freiné les importations : les raffineries indiennes prévoient une hausse de 10-20 % des achats russes en septembre, atteignant 1,65-1,8 million de barils par jour. Cela reflète une stratégie indienne d’autonomie énergétique, mais risque d’exacerber les tensions trilatérales sino-indo-russes face aux sanctions occidentales.
Macroéconomiquement, les marchés attendent le rapport sur l’emploi aux États-Unis cette semaine, qui pourrait influencer les anticipations de baisse des taux de la Fed et l’appétit pour les matières premières. Les tensions commerciales, notamment les tarifs trumpiens sur l’Inde et les sanctions potentielles sur la Russie et l’Iran, ajoutent une volatilité géopolitique : une escalade pourrait réduire l’offre russe de 1 mb/j, poussant les prix à 100 dollars le baril à court terme, selon CLSA. Inversement, une résolution du conflit ukrainien – via les négociations en cours – pourrait accélérer l’excédent, freinant la reprise asiatique.
En ce début septembre, le marché pétrolier est à un carrefour, des fondamentaux contrastés, avec une demande asiatique résiliente mais freinée par la Chine, un soutien géopolitique via les flux russes et les pressions américaines sur l’Inde, et des inquiétudes sur les exportations russes et la politique OPEP+. La prudence s’impose pour les investisseurs, face à une volatilité qui pourrait s’intensifier dans les semaines à venir, entre risques d’escalade ukrainienne et incertitudes commerciales mondiales.