Le 10 novembre 2024, la famille royale britannique est de nouveau sous le feu des critiques après la publication d’une enquête menée par la chaîne Channel 4 et le Sunday Times, révélant que le roi Charles III et le prince William perçoivent des revenus importants issus d’organismes publics tout en bénéficiant d’exemptions fiscales considérables. Cette découverte a ravivé le débat sur la transparence de leurs finances et l’utilisation des fonds publics.
Les deux duchés – celui de Lancaster, propriété du roi Charles III, et celui de Cornouailles, géré par le prince William – suscitent des interrogations depuis longtemps en raison de l’opacité qui entoure leur gestion. Bien que l’ampleur exacte de leurs possessions et des contrats qu’ils signent, notamment des baux de location, ne soit pas entièrement publique, l’enquête a révélé que ces deux entités ont engrangé des millions de livres grâce à des contrats de location de terrains au NHS (National Health Service), à des ministères du gouvernement et à des organismes caritatifs. En parallèle, ces duchés sont exemptés de certains impôts, comme l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur les plus-values.
Les critiques, telles que celles exprimées par Norman Baker, ancien député libéral-démocrate, soulignent que ces revenus sont issus de terres appartenant à la Couronne et, par extension, au public. Pour Baker, c’est une forme de « fraude » envers les citoyens britanniques : « Ces terres devraient profiter au Crown Estate », le domaine public qui est soumis à un acte de loi datant de 1760, selon lequel une partie des bénéfices générés par ces terres est restituée au Trésor public.
En dépit des critiques, la famille royale réitère que les bénéfices issus des duchés de Lancaster et de Cornouailles sont utilisés pour financer des activités publiques, caritatives et privées, au service du roi et de son héritier. Cependant, la question des exemptions fiscales reste un sujet sensible. Si ces duchés avaient été exclus de l’accord de 1760 en raison de leurs revenus modestes à l’époque, leur valeur actuelle s’élève à environ 1,8 milliard de livres (2,16 milliards d’euros), et leur profit annuel atteint les 50 millions de livres.
Les critiques ont des répercussions sur le débat politique. Le Parlement britannique, par le passé, a interrogé la famille royale sur ses exemptions fiscales, mais ces sujets ont souvent été relégués au second plan. Pourtant, pour certains experts, ces questions devraient être à l’agenda des discussions gouvernementales. Selon Norman Baker, il est essentiel que le gouvernement et le Parlement prennent à bras-le-corps la question des finances royales, car « c’est le point où la famille royale est la plus vulnérable ».
Pour d’autres, comme David Haigh, directeur de Brand Finance, les duchés de Charles III et William fonctionnent comme n’importe quelle grande propriété privée. Selon Haigh, les duchés opèrent dans le cadre de la législation et cherchent simplement à maximiser leurs rendements. Il les compare à des entrepreneurs privés comme James Dyson ou Richard Branson, soulignant que la famille royale n’agit en rien en dehors des règles économiques et fiscales en vigueur.
La polémique ne se limite pas à ces questions fiscales. Les revenus de ces duchés sont notamment utilisés pour financer des projets privés du roi et du prince héritier. Par exemple, le duché de Lancaster va percevoir 12 millions de livres en échange d’un contrat de location de terrains à un hôpital londonien pour y entreposer des ambulances, tandis que le duché de Cornouailles a signé un accord de 37,5 millions de livres avec le ministère de la Justice pour la location d’un terrain sur lequel se trouve la prison de Dartmoor.