Alors que l’Algérie rappelait récemment son ambassadeur au Mali pour consultations, dénonçant des tensions croissantes à ses frontières, la situation diplomatique vient de connaître une nouvelle escalade. Cette fois, ce sont les trois États membres de l’Union du Sahel – le Mali, le Niger et le Burkina Faso – qui accusent frontalement Alger de soutenir le terrorisme, et annoncent le rappel de leurs ambassadeurs en poste à Alger. Un tournant inédit dans les relations régionales, qui souligne la marginalisation internationale croissante d’un régime algérien pris dans une politique étrangère inflexible et souvent déconnectée des réalités géopolitiques actuelles de la région.
Tout a commencé avec l’incident du 31 mars dernier, lorsque le ministère algérien de la Défense a annoncé la destruction d’un drone malien aux abords de Tin-Zaouatine, à la frontière entre les deux pays. Une opération présentée comme un acte de « protection de la souveraineté nationale ». Mais à Bamako, l’interprétation est toute autre : selon les autorités maliennes, le drone était en mission pour neutraliser un groupe terroriste identifié comme une menace imminente. L’intervention algérienne aurait, selon elles, permis à ce groupe de se replier et d’échapper à l’action militaire.
Ce que l’Algérie considère comme une mesure défensive est perçu au sud du Sahara comme une obstruction volontaire à la lutte contre le terrorisme. Pis, la Conférence des chefs d’État de l’Union du Sahel a vu dans cet acte un geste de collusion, voire de complicité, avec des factions armées déstabilisatrices. La réaction a été immédiate et ferme : dénonciation d’un acte « agressif », rappel des ambassadeurs, et condamnation de ce que les trois pays qualifient de « démarche malveillante » servant « le terrorisme ».
Ce nouvel épisode révèle les failles d’une diplomatie algérienne en perte d’influence. Le discours officiel à Alger reste ancré dans une rhétorique de fraternité panafricaine, mais ses actions sur le terrain – souvent opaques, unilatérales ou paternalistes – suscitent désormais méfiance et rejet. Le président Tebboune affirmait encore récemment que « l’Algérie est un frère, pas seulement un voisin » du Mali. Des paroles creuses, selon les capitales sahéliennes, qui estiment qu’Alger défend davantage ses intérêts géostratégiques que la stabilité régionale.
La rupture n’est pas seulement bilatérale. C’est tout un pan de l’influence algérienne dans le Sahel qui s’effondre. Déjà affaiblie par la suspension de l’accord de paix de 2015 – pourtant signé sous l’égide d’Alger –, la diplomatie algérienne fait désormais face à une confédération sahélienne qui se structure en opposition claire à ses manœuvres.
Dans les coulisses, certains observateurs évoquent une volonté de la junte malienne et de ses alliés de redistribuer les cartes de l’influence régionale en écartant progressivement Alger, perçue comme un acteur ambivalent. La fin de la mission de médiation algérienne dans le dossier de l’Azawad, ainsi que la montée en puissance d’autres partenaires comme la Russie ou la Turquie, semblent confirmer cette tendance.
Face à ce contexte explosif, Alger persiste à privilégier l’opacité, entre silence diplomatique officiel et discours belliqueux émanant du ministère de la Défense. Une posture qui contraste cruellement avec les exigences de transparence, de dialogue et de coopération régionale que réclame une région en proie à l’instabilité.
À défaut d’un véritable aggiornamento de sa politique étrangère, l’Algérie risque de voir s’effriter davantage son rôle dans la résolution des crises sahéliennes – un rôle qu’elle revendiquait autrefois comme naturel et légitime. Désormais, ce sont d’autres qui prennent la main. Et Alger, du haut de ses prétentions, se retrouve de plus en plus seule sur l’échiquier régional.